Interview de Lukas Brantner, recruté chargé de recherche au CNRS en 2021

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Interview de Lukas Brantner, recruté chargé de recherche au CNRS en 2021, affecté au Laboratoire de mathématiques d'Orsay (LMO - UMR8628 - CNRS/Université Paris-Saclay).

Quel est ton sujet de recherche ?

Mes recherches se situent aux croisements entre la topologie, l’étude des formes, et la géométrie algébrique, l’étude des équations polynomiales. Plus spécifiquement, je développe la théorie des algèbres de Lie généralisées. À l’aide de ces nouveaux objets, j’explore les phénomènes caractéristiques finis/mixtes en géométrie algébrique dérivée et en théorie de l’homotopie chromatique.

Récemment, cela a conduit à une correspondance galoisienne purement inséparable (B.-Waldron), à une classification des déformations infinitésimales en caractéristique finie/mixte (B.-Mathew), à une preuve de la non obstructibilité de nombreuses variétés de Calabi-Yau en caractéristique p (B.-Taelman), et au calcul de nouveaux invariants modulaires/chromatiques des espaces de configurations (B.-Hahn-Knudsen).

Qu’as-tu fait avant d’entrer au CNRS ?

J’ai obtenu mon BA/MMath à l’Université de Cambridge (St. John’s College), mon doctorat avec Jacob Lurie à Harvard, et j’ai par la suite effectué des recherches à l’institut Max Planck de Bonn, au MSRI de Berkeley et à l’Université d’Oxford (Merton College).

Qu’est-ce qui t’a amené à faire des mathématiques ? Pourrais-tu nous parler de mathématiciens ou de mathématiciennes, historiques ou contemporains, qui t’ont marqué, influencé, ou que tu admires tout particulièrement ?

Ce qui me fascine le plus dans les mathématiques, c’est la possibilité de découvrir des vérités et de les prouver au-delà de tout doute raisonnable. J’ai pris conscience de ce statut épistémologique, qui est spécial, lorsque j’ai appris les théorèmes de Gödel en tant qu’élève. Avant, j’avais surtout apprécié les mathématiques comme outil en physique.

La première fois que j’ai été complètement absorbé par un problème ouvert, c’était lors d’un projet de recherche de premier cycle avec Danny Calegari, où j’ai prouvé que la longueur stable du commutateur dans les groupes libres est NP-difficile à calculer. En même temps, j’écrivais un essai sur la théorie de Hodge non abélienne de Simpson sous la direction de Ian Grojnowski. Cela a donné naissance à mon intérêt pour la théorie de l’homotopie et la géométrie algébrique dérivée.

Comme j’appréciais profondément l’interaction entre la résolution de problèmes concrets, la contemplation des structures abstraites sous-jacentes et la discussion de mathématiques avec mes collègues, j’ai décidé de poursuivre en doctorat.

En tant que doctorant de Jacob Lurie à Harvard, je me suis intéressé aux généralisations homotopiques des commutateurs connus sous le nom de produits de Whitehead. Cela m’a amené à étudier les algèbres de Lie spectrales sur l’espace de Lubin-Tate dans ma thèse de doctorat, qui a jeté les bases de certains de mes travaux récents.

J’ai été profondément influencé par mon directeur de thèse Jacob Lurie, qui a façonné ma vision des mathématiques et m’a appris à penser de manière homotopique, aussi par Greg Arone et Mike Hopkins, et par les anciens maîtres, en particulier Adams, Grothendieck, Illusie, Quillen, Segal et Serre.

Pourquoi le CNRS ?

Beaucoup de théorèmes centraux dans mon domaine ont été prouvés par des mathématiciens en France, et j’ai donc toujours eu le plus grand respect pour le CNRS. Outre le prestige, le CNRS offre également la liberté de poursuivre ses objectifs de recherche et de s’engager dans l’enseignement et la propagation des idées mathématiques de manière efficace et autonome.

© Lukas BRANTNER/DR

Contact

Lukas Brantner est chargé de recherche au CNRS, membre du Laboratoire de mathématiques d'Orsay (LMO - UMR8628 - CNRS/Université Paris-Saclay).