QuanTIM, accélérateur d’accès aux images TEP de demain

Actualités scientifiques

Le projet QuanTIM, qui vise le déploiement d’une solution logicielle répondant aux besoins émergents en imagerie moléculaire TEP (tomographie à émission de positons), a été financé dans le cadre du programme de prématuration du CNRS. QuanTIM est un projet disruptif en ce qu'il permet d’imager à l’échelle du corps entier les informations issues de biomarqueurs et ce, dans des temps de calcul algorithmique compatibles avec la pratique clinique. A l’occasion de l’événement de lancement du projet le 31 mai 2022, les porteurs du projet, Sylvain Faure, ingénieur de recherche au CNRS, membre du Laboratoire de mathématiques d’Orsay et Florent Besson, maître de conférences universitaire - praticien hospitalier (MCU-PH) aux Hôpitaux Universitaires Paris-Saclay AP-HP, CHU Bicêtre et à l'Université Paris-Saclay, membre de BioMaps, répondent à nos questions sur la genèse et les enjeux de leur projet ainsi que sur l’accompagnement en prématuration. Félicitations au projet QuanTIM, qui bénéficie également d'un accompagnement de CNRS Innovation dans le cadre du dispositif Rise pour un coaching à la création d'une start-up.

Sylvain Faure, Florent Besson, pouvez-vous nous décrire votre projet ?

La tomographie à émission de positions (TEP) est une modalité d’imagerie permettant de cartographier avec une très haute sensibilité de détection la distribution d’une molécule radio-marquée d’intérêt dans le corps, à l’échelle cellulaire. Cette imagerie dite « moléculaire », accessible en soins courants depuis le début des années 2000, est devenue un outil d’imagerie incontournable dans de nombreuses maladies, notamment oncologiques, neurologiques et inflammatoires.

Le principe de l’imagerie moléculaire est d'injecter au patient un médicament radiopharmaceutique à dose traceuse, infinitésimale, qui n’interfère pas avec les fonctions physiologiques de l’organisme. Ce médicament comporte un radiomarqueur émetteur de positons (MRP) et un vecteur ciblant une fonction biologique d’intérêt. Une machine dédiée utilisant la tomographie par émission de positons (TEP) permet de détecter le signal émis par le MRP et de faire des images de sa biodistribution dans le corps (voir figure ci-dessous).

image 1

A l’ère de la médecine de précision, dont l’objectif est de pouvoir dispenser le bon traitement, au bon moment, pour le bon patient, les informations issues des images médicales, notamment TEP, deviennent un paramètre clé dans la caractérisation non invasive des maladies. Notre meilleure compréhension des processus physiopathologiques à l’échelle moléculaire requiert des biomarqueurs d’imagerie de plus en plus « riches » de sens en pratique clinique. Notamment, des biomarqueurs avancés en imagerie TEP permettent de modéliser la pharmacocinétique des radiotraceurs à l'échelle cellulaire, permettant une analyse fonctionnelle par l'image beaucoup plus fine des processus biologiques étudiés (cf figure ci-dessous).

2

Malheureusement, l’exploitation de ces biomarqueurs d’imagerie avancés reste complexe en pratique clinique, justifiant le développement d’outils d’analyse disruptifs. Le projet de prématuration QuanTIM vise au développement et au déploiement d’une solution logicielle qui propose un workflow optimisé de traitement d’images 4D TEP off-line permettant d’obtenir en local, sur l’ordinateur du médecin, des cartes 3D de paramètres biologiques avancés, en un temps compatible avec une pratique clinique. Cette solution répond spécifiquement à ces besoins émergents en imagerie moléculaire TEP corps entier et s’interfacera avec les logiciels de visualisation couramment utilisés.

Mise en perspective historique

Le couple de scientifiques français Frédéric et Irène Joliot-Curie reçoivent le prix Nobel de Chimie en 1935 pour leur découverte de la radioactivité artificielle. De leurs travaux princeps découle l’exploitation des éléments radioactifs artificiels à des fins médicales diagnostiques et thérapeutiques (par exemple le traitement de l’hyperthyroïdie par Iode radioactif est réalisé dès les années 1940 ; ou les premières caméras de détection à la fin des années 1950). La médecine nucléaire devient une spécialité médicale à part entière au début des années 1970. Entre 1970 et 1990 est développée la tomographie par émission de positon (TEP), outil d’imagerie permettant de détecter les isotopes émetteurs de positon. Couplée au scanner X (TDM), la TEP-TDM est élue invention médicale de l’année 2000 par le Time Magazine. La description du métabolisme des cellules cancéreuses par Otto Warburg (prix Nobel de physiologie en 1931) établit les fondements de l’imagerie TEP en cancérologie : le radiomarquage du sucre par un isotope radioactif émetteur de positon (18Fluor) permet ainsi de détecter les cancers dans le corps. Cette révolution illustre l’une des propriétés fondamentales de l’imagerie moléculaire : la capacité d’imager, par le couplage d’un vecteur biologique d’intérêt à un isotope radioactif, tout type de processus biologiques d’intérêt. L’imagerie TEP, qui ne présente aucun effet secondaire (les activités utilisées sont des doses « traceuses »), est utilisée quotidiennement dans le bilan de nombreuses maladies oncologiques, neurologiques et inflammatoires, et représente actuellement plus de 500 000 examens réalisés par an en France.

Anticipant les prémices de ce changement de paradigme en imagerie TEP, l’objectif de QuanTIM est de favoriser le transfert applicatif de ces biomarqueurs, avec une approche résolument orientée usagers, prérequis indispensable à leur déploiement : réduction drastique des temps de calcul algorithmique nécessaires à leur genèse, interface logiciel pré-existante optimisée et massivement déployée à l’échelle mondiale.

Racontez-nous la genèse de ce projet 

Florent Besson, médecin enseignant chercheur en médecine nucléaire-imagerie moléculaire au sein des hôpitaux Universitaires Paris-Saclay AP-HP, effectue ses recherches en imagerie au sein du laboratoire d’imagerie multimodale de Paris Saclay (BioMAps). Dans le cadre de sa thèse de science (soutenue en 2020), Florent Besson rencontre Sylvain Faure, docteur en mathématiques et ingénieur de recherche CNRS au Laboratoire de mathématiques d’Orsay, avec qui il noue des liens professionnels fructueux, permettant de développer des méthodes d’analyse avancées en imagerie multimodale TEP-IRM appliquée au cancer du Poumon. Deux publications scientifiques internationales (Besson FL, Fernandez B, Faure S et al. EJNMMI Res. 2020 ; Besson FL, Fernandez B, Faure S, et al. Clin Nucl Med. 2021), et une publicité scientifique par l’Institut des sciences du vivant Frédéric Joliot CEA, valident la crédibilité scientifique des approches développées. A l’issue de cette aventure professionnelle passionnante, les deux chercheurs décident d’écrire une nouvelle page de leur collaboration et entreprennent de mettre à disposition de la communauté internationale leur outil sous forme d’un produit structuré. L’arrivée d’un troisième membre dans l’équipe (André Guerrassimov, diplômé de CentralSupelec section entrepreneuriat) doit concourir, par son profil, à la concrétisation entrepreneuriale de ce projet.

Quelles mathématiques interviennent dans votre projet ?

Les médecins utilisent couramment des modèles à compartiments pour étudier la cinétique d’un biomarqueur d’imagerie. Mathématiquement, il s’agit de systèmes d’équations différentielles ordinaires permettant de modéliser les échanges entre compartiments et de prendre en compte l’arrivée du biomarqueur dans les cellules. De tels systèmes comportent des paramètres (constantes d’échange,…) qu’il s’agit de déterminer en comparant les simulations numériques basées sur le modèle aux mesures de l’examen TEP. Pour cela on utilise des méthodes d’identification de paramètres qui requièrent des techniques d’optimisation pour minimiser une fonction coût sommant les écarts entre simulation et mesures, les « bons » paramètres de la simulation correspondant ainsi au coût minimal.

En réalisant ces calculs pour chaque point (voxel) de la séquence d’images TEP, on obtient une nouvelle image 3D par paramètre présent dans le modèle à compartiments considéré. Cette approche exige d’une part des méthodes robustes au bruit des mesures et d’autre part de réduire au maximum les temps de calcul. Ce deuxième point est le plus problématique car, pour fournir ces nouvelles images sur l’ordinateur portable du médecin, il s’agit d’appliquer entre 5 et 20 millions de fois l’algorithme d’identification des paramètres.

Quels sont les enjeux de ce projet de prématuration ?

Être retenu par le programme de prématuration du CNRS nous a tout d’abord conforté dans notre volonté de valoriser nos travaux de recherche car ce programme a pour objectif de détecter des projets émergents à fort potentiel en terme d’innovation de rupture. Ensuite, il nous permet d’être soutenu financièrement pour finaliser nos algorithmes et pour démarrer une expérimentation avec un centre de médecine nucléaire mondialement reconnu. La prématuration est positionnée en amont par rapport à une création d’entreprise ou à un financement de type maturation (via une SATT par exemple), typiquement pour lever des derniers verrous technologiques. Pour QuanTIM il s’agit d’accélérer puis d’encapsuler un code de recherche dans un logiciel d’imagerie médicale très utilisé par les médecins.

In fine, le passage à un produit commercialisable doit pouvoir bénéficier au marché de l’imagerie moléculaire TEP mondiale sous deux aspects :

  • La pratique médicale, dans un premier temps pour la validation de nouveaux biomarqueurs d’imagerie en recherche clinique, qui permettront dans un deuxième temps d’améliorer les modèles de médecine prédictive personnalisée ;
  • L’industrie pharmaceutique, notamment pour le développement R&D et la validation de molécules diagnostiques et thérapeutiques futures par des méthodes de modélisation avancée en imagerie TEP.

A propos du programme de prématuration du CNRS

Le programme de prématuration du CNRS a pour objectifs de :

  • Détecter des projets émergents à fort potentiel en terme d’innovation de rupture, technologique ou d’usage ou consistant en une amélioration à forte valeur ajoutée ;
  • Soutenir financièrement les premières étapes du développement après que la partie recherche ait été réalisée et validée.

La prématuration concerne des projets dont le positionnement est amont par rapport à une SATT et à une entreprise. Le projet doit partir d'un concept nouveau dont le principe de base a été clairement démontré (expérimentalement) et l’innovation envisagée :

  • Présente une rupture ou une amélioration à forte valeur ajoutée en terme de produit ou de service, l'impact socio-économique a déjà été identifié ;
  • Concerne le développement de technologies situées à un stade amont, protégées par un droit de propriété intellectuelle (PI) acquis ou à venir ou bien projets ne débouchant pas sur de la propriété intellectuelle mais ayant un horizon économique sérieux ;
  • Porte sur des verrous technologiques à lever.

Voir le bilan 2021 du programme de prématuration du CNRS

Site de CNRS innovation

Dans quel environnement évolue votre projet ?

QuanTIM bénéficie d’un environnement propice pour une valorisation socio-économique de travaux de recherche. Au CNRS, nos instituts nous ont accompagné pour notre candidature au programme Prématuration et leur soutien augmente également la crédibilité et visibilité de notre projet. L’Université Paris-Saclay suit également les avancées de QuanTIM, sa DiReV a déposé notre code de calcul auprès de l’Agence de Protection des Programmes et un groupe d’étudiants de Matur’Action a travaillé sur le projet. Enfin, grâce à André, QuanTIM échange régulièrement avec CentraleSupélec et a remporté plusieurs « challenges » ou « concours de pitch » en vue de la création d’une start-up.

Que diriez-vous à une ou un collègue pour l’inciter à déposer un projet de prématuration ?

L’accompagnement dont nous avons bénéficié pour le montage du projet, l’écosystème, son encadrement bienveillant et personnalisé, a résolument permis de franchir une étape critique dans la réalisation de ce projet deepTech. Nous recommandons fortement à nos collègues souhaitant franchir le pas de tenter l’expérience.

Contact

Sylvain Faure est ingénieur de recherche CNRS affecté au Laboratoire de mathématiques d'Orsay (LMO - UMR8628 - CNRS/Université Paris-Saclay).

Florent Besson est maître de conférences - praticien hospitalier (MCU-PH) aux Hôpitaux Universitaires Paris-Saclay AP-HP, CHU Bicêtre et maître de conférences à l'Université Paris-Saclay, membre du LaBoratoire d'Imagerie biOmédicale MultlimodAle Paris-Saclay (BioMaps - UMR9011 - CNRS/CEA/INSERM/Université Paris-Saclay).