Maryna Viazovska, Fields 2022

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Maryna Viazovska vient de recevoir la médaille Fields. Professeure ordinaire à l’école polytechnique fédérale de Lausanne, elle est récompensée notamment pour ses travaux sur le problème d’empilement de sphères.

Maryna Viazovska vient de recevoir la médaille Fields. Professeure ordinaire à l'école polytechnique fédérale de Lausanne, elle est récompensée notamment pour ses travaux sur le problème d'empilement de sphères.

Maryna Viazovska est née en 1984 en Ukraine. En 2010, elle obtient le titre de candidate des sciences à l'institut des mathématiques de l'académie nationale des sciences en Ukraine. Sous la direction de Don Zagier, elle prépare alors une thèse à Bonn qu'elle soutient en 2013. Après des post-doctorats à Berlin, elle est recrutée en 2017 à l'École polytechnique fédérale de Lausanne.

Les problèmes d'empilements optimaux sont connus dans la nature et le problème du nid d'abeille en est un exemple en dimension 2. Si l'on souhaite carreler une surface avec des carreaux tous de même forme et de même surface, quelle forme choisir pour utiliser le moins de joints possible, autrement dit pour minimiser le périmètre du pavage. Les abeilles ont conjecturé que la meilleure forme étaient l'hexagone, fournissant une explication au fait que, pour consommer le moins de cire possible, les abeilles construisent les alvéoles de leur nid en forme d'hexagone. Il a cependant fallu attendre 20e siècle pour démontrer ce fait grâce au travaux de Lászlo Fejes Toth en 1953.

Le problème de l'empilement de sphères en dimension 2 consiste à recouvrir le plan de disques de même rayon sans que les disques ne se chevauchent et en minimisant la surface non recouverte par des disques. Le meilleur résultat est obtenu en plaçant les sphères de sorte que les centres des sphères constituent un réseau hexagonal.

fig 1

Le problème de l'empilement de sphère n dimension \(3\) est appelé problème de l'épicier parce a Kepler a conjecturé en 1611 que l'arrangement le plus efficace est celui utilisé par un épicier pour ranger ses oranges. Les centres des sphères sont alors situées sur un réseau cubique à faces centrées, réseau dont les nœuds sont les sommets d'un cube et les centres des faces de ce cube. Il a fallu attendre les travaux de Thomas Hales pour démontrer cette conjecture, dans un ouvrage comptant 250 pages et faisant largement appel à l'informatique.

fig 2

Avant les travaux de Maryna Viazovska, aucun résultat n'est connu en dimension strictement supérieure à $3$. En 2017, elle a démontré qu'en dimension $8$ le meilleur empilement est obtenu en plaçant les centres des sphères sur le réseau $E_8$
$$
\{(x_i)_{1\leq i\leq 8}\in\mathbb{Z}^8\cup(\mathbb{Z}+1/2)^8\ \colon \sum_{i=1}^8x_i\equiv 0\pmod{2}\}
$$
La robustesse de la méthode développée par Maryna Viazovska a permis que très peu de temps après le résultat en dimension $8$, elle montre avec Cohn, Kumar, Miller et Radchenko que la densité maximale en dimension $24$ est $\pi^{12}/12!$ et que cette densité est obtenue pour l'empilement associé au réseau de Leech.

La résolution des problèmes d'empilement de sphères est aussi utile à la théorie des codes correcteur, qui permet la correction des erreurs de transmission de messages par des canaux peu fiables, c'est-à-dire pouvant perturber l'information transmise. L'information à transmettre est remplacée par une information plus complexe (par exemple, en épelant un nom, on remplacer la lettre a par le mot alpha, la lettre b par le mot bravo, etc. de sorte que si le récepteur n'entend qu'une partie du mot, il saura reconstituer malgré tout l'information). Un message peut aussi être considéré comme un point dans un espace de grande dimension (le nombre de lettre du message) et, l'information plus complexe est une boule centrée en ce point. Le message reçu sera un point de la boule et, pour que le récepteur associe ce point de la boule au message original, c'est-à-dire au centre de la boule, il importe que les boules ne se recouvrent pas.

Références

[1] Andriy Bondarenko, Danylo Radchenko, and Maryna Viazovska. Optimal asymptotic bounds for spherical designs. Ann. of Math. (2), 178(2) :443–452, 2013.

[2] Henry Cohn and Noam Elkies. New upper bounds on sphere packings. I. Ann. of Math. (2), 157(2) :689–714, 2003.

[3] Henry Cohn, Abhinav Kumar, Stephen D. Miller, Danylo Radchenko, and Maryna Viazovska. The sphere packing problem in dimension 24. Ann. of Math. (2), 185(3) :1017–1033, 2017.

[4] Joseph Oesterlé. Densité maximale des empilements de sphères en dimension 3 (d’après Thomas C. Hales et Samuel P. Ferguson). Astérisque, (266) :Exp. No. 863, 5, 405–413, 2000. Séminaire Bourbaki, Vol. 1998/99.

[5] Joseph Oesterlé. Densité maximale des empilements de sphères en dimensions 8 et 24 (d’après Maryna S. Viazovska et al.). Séminaire Bour-baki. 69ème année, 2016–2017, no 1133, http://www.bourbaki.ens.fr/TEXTES/1133.pdf, Juin 2017.

[6] Maryna S. Viazovska. The sphere packing problem in dimension 8. Ann. of Math. (2), 185(3) : 991-1015, 2017.

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