France-Australie : l’IRL FAMSI, un nouveau laboratoire en mathématiques
Le laboratoire international FAMSI (International Research Lab France-Australia Mathematical Sciences and Interactions), officiellement lancé en janvier 2025, symbolise la forte dynamique mathématique existant entre la France et l’Australie. Il consolide la présence du CNRS en Australie et ouvre de nouvelles perspectives pour la communauté mathématique internationale.
Des collaborations de longue date entre les deux pays
Signé début novembre 2024 à Canberra, l’IRL FAMSI s’appuie sur des collaborations de longue date entre la France et l’Australie et explore des thématiques comme l'analyse harmonique, l'analyse des équations aux dérivées partielles et diverses parties de l'algèbre et de la topologie, tout en soutenant le développement de collaborations dans toutes les sciences mathématiques. « L’ouverture de FAMSI témoigne d’une reconnaissance mutuelle de nos forces en mathématiques et d’une volonté commune d’avancer sur des sujets fondamentaux qui structurent la discipline », explique Thierry Corrège, directeur du bureau du CNRS à Melbourne.

C’est en janvier 2025 que le laboratoire commence officiellement son activité. Situé dans le bâtiment Hanna Neumann de l’Australian National University – en hommage à Hanna Neumann, première femme professeure de mathématiques en Australie – qui a été inauguré en 2018, il concrétise plus de 20 ans d’échange entre les deux pays. Sylvie Monniaux, professeure à l’Institut de Mathématiques de Marseille et actuelle directrice de l’IRL FAMSI, a en effet commencé à travailler avec Alan McIntosh, mathématicien australien, dès le début des années 2000. « J’ai rencontré Alan McIntosh lors d’un workshop à Zurich durant ma thèse, en 1994. Puis en 2002, je suis allée à Canberra pendant 6 mois et j’ai commencé à travailler avec lui. J’ai également croisé sur place Thierry Coulhon et Pascal Auscher » détaille-t-elle. Durant cette période, la collaboration entre Alan McIntosh, Pascal Auscher et Philippe Tchamitchian, avec d’autres chercheurs, aboutira à la publication de l’article « The solution of the Kato square root problem for second order elliptic operators on Rn » dans la revue Annals of Mathematics.
Ces collaborations connaîtront une première structuration sous la forme d’un Laboratoire International Associé (LIA), porté par Pascal Auscher. Dès 2014, ce LIA a pour objectif de développer les relations entre la France et l’Australie. De nouvelles chercheuses, chercheurs, enseignantes-chercheuses et enseignants-chercheurs sont alors associés au projet, dont Pierre Portal, actuel co-directeur de l’IRL FAMSI, avec lequel Sylvie Monniaux travaillera étroitement par la suite. « Le LIA a été un outil précieux pour structurer nos échanges, même si les moyens restaient limités » résume-t-elle. Au fil des années, les collaborations scientifiques perdurent et se densifient, débouchant sur la création de l’IRL FAMSI.

Dynamisme et ouverture des mathématiques vers l’Océanie
L’IRL FAMSI s’inscrit dans une dynamique scientifique forte, marquée par la diversité d’approches en mathématiques. L'analyse harmonique reste le cœur historique des travaux menés dans le cadre du laboratoire, avec par exemple un projet porté par Sylvie Monniaux et Pierre Portal autour des équations de Navier-Stokes stochastique. « Avec Pierre Portal, on essaye de voir ce qui peut se passer quand on introduit un peu de bruit dans les équations qui régissent le mouvement d’un fluide », précise-t-elle.
À cette base se sont ajoutées d’autres thématiques comme la géométrie non commutative, portée localement par des chercheurs comme Alan Carey ou Bryan Wang ; l’analyse microlocale, avec notamment la présence d’Andrew Hassell, considéré comme l’un des chercheurs les plus reconnus en Australie dans ce domaine ; ou encore l’algèbre et la topologie, représentées à Canberra par une équipe active autour d’Anthony Licata. Une demande de thèse en co-tutelle avec l’Institut Montpelliérain Alexander Grothendieck et encadrée par Anthony Licata est par ailleurs en cours.
Outre les liens historiques avec la France et certains laboratoires, le laboratoire aimerait également développer davantage son ancrage en Océanie. « Je vais probablement aller en Nouvelle-Calédonie, à Nouméa, pour rencontrer les mathématiciennes et mathématiciens de l’université de la Nouvelle-Calédonie. Si cela permet de les intégrer à notre dynamique, on en serait très heureux. J’ai également quelques liens avec des personnes en Nouvelle-Zélande », souligne la directrice. Et après ? « L'idéal serait d'organiser deux workshops par an, plutôt que de grandes conférences. L'Australie possède un centre de recherche similaire au CIRM situé près de Melbourne, le centre MATRIX, où nous pourrions organiser ces événements. » conclue-t-telle.
Témoignage de Hoel Queffelec et Alice Cleynen, de l'Institut Montpelliérain Alexander Grothendieck

Nous avons effectué depuis une dizaine d'années plusieurs séjours au Mathematical Science Institute, le laboratoire Australien qui accueille l'IRL FAMSI. Situé sur le campus de l'Australian National University, une université fortement tournée vers la recherche avec un rôle d'accueil de grandes infrastructures nationales, il occupe maintenant un bâtiment tout neuf et spacieux. Les discussions avec les collègues locaux sont toujours faciles, et les collaborations que nous avons pu nouer à l'ANU sont maintenant au cœur de nos recherches. La notion d'équipe thématique est moins marquée au MSI que dans les laboratoires français que nous connaissons, et les groupes de travail réguliers permettent de parler de mathématiques avec un cercle plus large que celui de nos collaboratrices et collaborateurs directs, d'autant que le colloquium hebdomadaire permet souvent aux visiteuses et visiteurs de présenter leurs recherches à l'ensemble du laboratoire. Nous avons aussi pu développer des collaborations avec d'autres laboratoires sur le même campus.
L'éloignement de l'Australie du reste du monde a probablement structuré la communauté Australienne, et ainsi nos séjours ont été l'occasion de visites dans les autres universités -- à Sydney, Melbourne, Brisbane, etc... Le congrès annuel de la société Australienne de mathématiques, AustMS pour les intimes, est aussi très suivi, et un excellent moment pour développer les collaborations avec des collègues sur place.
Nous serons à l'IRL à partir de l'été, où nous espérons avancer sur les questions laissées en suspens après nos derniers séjours. L'un des objectifs pour renforcer nos collaborations sera d'y associer nos étudiants, qui devraient bénéficier d'un soutien de l'IRL pour nous rendre visite.
Sur un plan moins scientifique, ce n'est probablement pas faire insulte à Canberra que de dire que la vie nocturne et culturelle n'y est pas palpitante. Par contre, c'est un endroit super pour les familles comme pour les amatrices et amateurs de nature et de vie sauvage dépaysante ! Nos enfants savent maintenant reconnaître au premier coup d'œil un kookaburra et ont appris à l'école ce qu'il fallait faire en cas de rencontre inopinée avec un serpent (réponse : crier "snake" pour que la maîtresse entende et ne pas s'approcher).
En 2025-2026, l’IRL FAMSI accueillera d’ores et déjà quatre personnes. Pour les personnes intéressées, les prochaines campagnes de mobilité de l’Insmi permettront de déposer un dossier pour rejoindre le laboratoire. Les missions de longue durée et autres séjours sont également les bienvenus.