Déposer un projet ERC - témoignage de Christophe Garban

Vie des labos

Pourquoi déposer un projet ERC ? Qu'offre-t-il qu'un autre projet n'offre pas ? Quel accompagnement au dépôt de projet ? Christophe Garban, professeur à l'Université Claude Bernard Lyon 1, membre de l'Institut Camille Jordan (UMR5208 - CNRS/École centrale de Lyon/Insa de Lyon/Université Claude Bernard/Université Jean Monnet), lauréat 2021 d'une ERC Consolidator Grant pour son projet VORTEX | Systèmes de spin à symétrie discrète et continue : défauts topologiques, statistique bayésienne, désordre et champs aléatoires, répond à ces questions.

Que vous offre un projet ERC que n’offrent pas d’autres projets ?

Le principal apport d'un projet ERC est de pouvoir recruter plusieurs postdocs / doctorantes et doctorants autour du thème du projet et de former en quelque sorte une "équipe" dédiée au projet. Lors de mon projet ERC starting LiKo, j'ai eu la chance d'être entouré par des jeunes chercheurs et chercheuses exceptionnels auprès de qui j'ai énormément appris et avec qui je collabore aujourd'hui encore. Par exemple, le premier postdoc que j'ai accueilli à Lyon était Avelio Sepúlveda. Il est resté trois ans à Lyon et nous avons démarré de nombreuses collaborations ensemble, à tel point qu'il fera partie du projet ERC consolidator Vortex qui va démarrer.
En prime, pour les enseignants-chercheurs ou enseignantes-chercheuses, un projet ERC permet en général de bénéficier d'une décharge d'enseignement conséquente sur le temps du projet (en tout cas dans la plupart des universités françaises). 

De quelle aide avez-vous bénéficié pour monter ce projet ?

Plusieurs structures et personnes m'ont aidé pour le montage du projet. Tout d'abord, j'ai bénéficié d'une aide administrative importante de la part de mon université surtout en ce qui concerne le montage du budget demandé à l'ERC. Pour la partie scientifique, j'ai bénéficié d'une aide absolument inestimable de la part de plusieurs collègues lyonnais qui avaient obtenu par le passé un financement ERC. Leurs conseils pour l'écrit comme pour l'oral ont été décisifs. Mon laboratoire, l'Institut Camille Jordan, m'a également été d'une très grande aide à la fois par des relectures de mon document "B1" (même le directeur du laboratoire, Simon Masnou, a pris le temps de le relire !) et par l'organisation d'oraux blancs avant les oraux ERC. Enfin l'Insmi a mis en place depuis plusieurs années une "cellule ERC" extrêmement utile pour le montage d'un projet et la préparation aux oraux.

Que diriez-vous à un ou une collègue pour l'inciter à déposer un projet à l’ERC ?

Je lui dirais que ça prend certes du temps..., mais que ce n'est pas du temps de perdu. En effet, ce qui m'a le plus frappé dans le montage d'un projet ERC, c'est la place prépondérante consacrée à la science par rapport aux aspects administratifs, comptables etc. Contrairement au montage d'un projet ANR, un projet ERC ne demande pas de dissertation sur l'impact sociétal ou autre. En outre, le format est très clair avec peu de contraintes de style ou d'organisation (par exemple, ce n'est pas une trame Word obligatoire). Dans mon cas, le fait d'écrire un programme de recherche m'a aussi permis d'y voir plus clair dans ce que je désirais faire en maths dans les années qui viennent. Je ne dirais pas la même chose en revanche de la préparation de l'oral qui m'a paru plus fastidieuse. Enfin j'ajouterai qu'on reçoit à la fin de nombreux rapports sur les B1/B2 qui donnent parfois un éclairage intéressant sur le projet et que le panel ERC se montre bienveillant au moment de l'oral. Je lui dirais donc que c'est une aventure intéressante, que c'est super bien organisé, qu'on en retire et qu'on en apprend forcément quelque chose, qu'on est jamais sûrs que ça va bien se passer à la fin, mais que le jeu en vaut la chandelle !

Projet VORTEX | Systèmes de spin à symétrie discrète et continue : défauts topologiques, statistique bayésienne, désordre et champs aléatoires

Le projet VORTEX est un projet en mathématiques qui se situe au carrefour des probabilités et de la physique mathématique. L'un des buts principaux de ce projet est de comprendre la géométrie aléatoire sous-jacente aux "transitions de phase topologiques" qui ont été découvertes dans les années 1970 par Berezinskii, Kosterlitz et Thouless (N.B. la moitié du prix Nobel de physique 2016 a été décerné à Kosterlitz et Thouless pour cette découverte). Aubaine pour les mathématiciens, ces transitions de phase apparaissent dans des "systèmes de spins" simples à définir mais dont les propriétés sont étonnamment riches. L'archétype d'un tel modèle est le "modèle XY" 2d. Celui-ci généralise le célèbre modèle d'Ising de la manière suivante : dans le modèle d'Ising 2d, chaque point d'un réseau 2d porte un spin à valeurs dans {-1,+1} alors que dans le modèle XY, les spins prennent leurs valeurs dans le cercle unité. On passe alors d'une symétrie discrète à une symétrie continue et la nature de la transition de phase change drastiquement. Contrairement au cas du modèle d'Ising, Berezinskii, Kosterlitz et Thouless ont compris que des modèles à symétrie continue et Abélienne tels que le modèle XY passent d'un état désordonné à haute température à un état de "quasi-ordre" à longue portée, et que cette transition d'un nouveau type est due à la présence de "défauts topologiques" appelés Vortex. La compréhension mathématique de cette transition est due à Fröhlich et Spencer dans les années 1980 et met en jeu une transition de phase associée pour le gaz de Coulomb 2d. 

L'objectif de ce projet sera d'étudier la géométrie fractale aléatoire qui apparaît au cours de ces transitions de phase. En plus d'outils probabilistes de type "percolation" (qui ont joué un rôle primordial ces 20 dernières années dans la compréhension fine de modèles à symétrie discrète tels que le modèle d'Ising), de nouveaux outils seront développés parmi lesquels les travaux récents du PI avec Sepúlveda sur les gaz de Coulomb ou encore ses travaux avec Spencer qui créent des liens avec les statistiques bayésiennes. L'étude du comportement des défauts topologiques dans des modèles 2d tels que le modèle XY sera étendue au cas de la "théorie de jauge Abélienne sur réseau" en dimension 4 où les défauts topologiques jouent un rôle similaire et contribuent cette fois à une transition de phase de type confinement/déconfinement. Les connections récentes établies avec des problèmes de reconstruction statistique permettront d'explorer certains aspects des modèles de spins à symétrie continue non-Abélienne qui demeurent à ce jour bien plus méconnus. Une autre partie du projet se concentrera sur les mécanismes qui relient le bruit microscopique ambiant dans un système avec les structures macroscopiques engendrées par ce bruit dans des contextes tels que la théorie quantique des champs ou la classe d'universalité du point fixe KPZ. Pour mener à bien ce projet, Christophe Garban sera entouré de deux chercheurs permanents, Jean-Marie Stéphan, CR CNRS en physique théorique à l'Université Lyon 1 et Avelio Sepúlveda, professeur assistant à l'Universidad de Chile, Santiago, ainsi que de 3 chercheurs postdoctoraux et 2 doctorants.

Contact

Christophe Garban est professeur à l’Université Claude Bernard, membre de l’Institut Camille Jordan (ICJ, UMR5208, CNRS/École centrale de Lyon/Insa de Lyon/Université Claude Bernard/Université Jean Monnet).