Dispersion pour l'équation de Dirac en espace-temps courbe

A l'occasion de la publication récente, dans International Mathematics Research Notices, de l'article "Local in Time Strichartz Estimates for the Dirac Equation on Spherically Symmetric Spaces" écrit avec son collaborateur Federico Cacciafesta, professeur à l'université de Padoue, Anne-Sophie de Suzzoni, professeure Monge à l'École polytechnique, présente un résultat de dispersion pour l'équation de Dirac en espace-temps courbe.

Nous présentons ici un résultat de dispersion pour l'équation de Dirac en espace-temps courbe. L'équation de Dirac est une équation issue de la théorie quantique des champs. Nous expliquerons la dérivation formelle en Section 1. La dispersion est un phénomène linéaire : il s'agit du fait que les solutions de certaines équations linéaires ont tendance à envoyer la masse de ces solutions à l'infini en grands temps. Cela se traduit par des inégalités fonctionnelles que nous décrivons en Section 2.

Dans toute la suite, on notera $L^p$ les espaces de Lebesgue et $W^{s,p}$ les espaces de Sobolev, c'est-à-dire que si $f$ appartient à $W^{s,p}$ alors $f$ admet $s$ dérivées dans $L^p$ [cf note]. On notera également $H^s = W^{s,2}$.

On utilisera également les sommations implicites, c'est-à-dire qu'ici

\[A^\mu B_\mu = \sum_{\mu = 0}^4 A^\mu B_\mu.\]

1. L'équation de Dirac

1.1. Dérivation historique

L'équation de Dirac modélise l'évolution libre d'une particule de spin $\frac12$ avec des corrections relativistes, par exemple, un électron ou un positron.

Le cahier des charges pour cette équation est de respecter les lois de la mécanique quantique, c'est-à-dire de se mettre sous la forme d'une équation de Schrödinger :

\[i\partial_t u = H u\]

avec $u \in \mathcal C(\mathbb{R},L^2(\mathbb{R}^3))$ et $H$ un opérateur auto-adjoint de $L^2(\mathbb{R}^3)$; et de respecter les lois de la relativité restreinte, c'est-à-dire d'être covariante ou encore invariante sous l'action des changements de référentiel relativiste. Ces changements de référentiel relativiste sont les transformations affines de l'espace de Minkowski $\mathbb{R} \times\mathbb{R}^3$ muni de la métrique (on prendra la vitesse de la lumière égale à 1) :

$$\eta = \begin{pmatrix} 1&0&0&0 \\ 0&-1&0&0 \\ 0 & 0 & -1 & 0 \\ 0&0&0&-1\end{pmatrix}$$

qui conservent la métrique, l'orientation et la causalité.

Ces transformations affines forment le groupe de Poincaré. Ce groupe est généré par les translations, les rotations de l'espace, et les transformations de Lorentz spéciales (boosts) :

\[L_v : \begin{pmatrix}x^0\\x^1\\x^2\\x^3\end{pmatrix} \mapsto \begin{pmatrix}\frac{x^0 - v x^1}{\sqrt{1-v^2}} \\ \frac{x^1 - v x^0}{\sqrt{1-v^2}} \\ x^2 \\ x^3\end{pmatrix}\]

avec $v\in (-1,1)$.

Si l'on se restreint aux transformations linéaires, on obtient le groupe des transformations de Lorentz (dites propres et ortochrones) $\textrm{SO}_0(1,3)$ : il s'agit de la composante connexe de l'identité dans $\textrm{SO}(1,3)$. Ce groupe est non-compact.

L'idée de Paul Dirac consiste à écrire une équation du premier ordre

$$i \gamma^\mu \partial_\mu u = m u \quad (1)$$

où $m \in \mathbb{R}_+^*$ est la masse de l'électro n, $\gamma^0$ est une matrice hermitienne et $\gamma^j$, $j=1,2,3$ sont des matrices anti-hermitiennes, de sorte que, portée au carré, cette équation devienne l'équation de Klein-Gordon :

$$\partial_t^2 u + m^2 u - \Delta u = 0 \quad (2)$$

où $\Delta$ est le laplacien sur $\mathbb{R}^3$.

Si les $\gamma$ ne dépendent pas de la position espace-temps alors l'équation (1) devient automatiquement une équation de Schrödinger, tandis que l'équation de Klein-Gordon est covariante.

Pour que l'équation(1) portée au carré devienne l'équation de Klein-Gordon (2), alors les matrices $\gamma$ doivent satisfaire aux relations d'anticommutation canoniques :

$$\{\gamma^\mu,\gamma^\nu \} = 2 \eta^{\mu\nu} Id. \quad (3)$$

Ces relations assurent que les matrices $\gamma$ génèrent l'algèbre de Clifford $Cl_4(\mathbb{C})$. Grâce à la classification des $\mathbb{C}$-algèbres de Clifford, on peut supposer sans nuire à la généralité que ces matrices sont de tailles $4\times 4$ et donc que $u$ appartient à $\mathcal C(\mathbb{R}, L^2(\mathbb{R}^3, \mathbb{C}^4))$. A ce stade, d'un point de vue mathématique, le choix des matrices $\gamma$ est anecdotique. En effet, si $(\gamma^\mu)_\mu$ et $((\gamma')^\mu)_\mu$ sont deux familles de matrices de $\mathbb{C}^4$ vérifiant (3), alors il existe $U \in GL_4(\mathbb{C})$ telle que pour tout $\mu = 0,1,2,3,4$,

\[(\gamma')^\mu = U^{-1} \gamma^\mu U\]

et donc si $u$ satisfait $i\gamma^\mu \partial_\mu u = mu$ alors $v = U^{-1}u$ satisfait $ i (\gamma')^\mu \partial_\mu v = mv$. D'un point de vue physique, en revanche, il change l'interprétation des différentes coordonnées de $u(t)$.

Revenons à la covariance. Comme les matrices $\gamma$ ne dépendent pas de la position espace-temps, l'équation (1) est invariante sous l'action des translations d'espace-temps. Appliquons à présent une transformation de Lorentz $L$ à (1). Si $u$ satisfait (1) alors $u' = u\circ L$ satisfait $i(\gamma')^\mu \partial_\mu u' = mu$ où

\[(\gamma')^\mu = (L^{-1})^\mu_{\; \nu} \gamma^\nu.\]

Les matrices $\gamma'$ vérifient les relations d'anti-commutation canoniques. En effet, on a

\[\{(\gamma')^\mu, (\gamma')^\nu\} = (L^{-1})^{\mu}_{\; \sigma} (L^{-1})^{\nu}_{\; \rho} \{\gamma^\sigma,\gamma^\rho\} = 2 (L^{-1})^{\mu}_{\; \sigma} (L^{-1})^{\nu}_{\; \rho} \eta^{\sigma \rho} = 2\eta^{\mu \nu}\]

et donc il existe une transformation $U(L) \in GL_4\mathbb{C})$ telle que $U(L)^{-1}u\circ L$ satisfasse (1). La fonction $L\mapsto U(L)$ est un morphisme de groupe, il envoie les rotations de l'espace sur les transformations unitaires de $\mathbb{C}^4$.

Ecrire une représentation de l'équation de Dirac revient donc au choix à fixer un jeu de matrices $\gamma$, un référentiel ou une base de $\mathbb{C}^4$.

Enfin, Paul Dirac a remarqué que l'opérateur de Dirac ainsi construit

\[\mathcal D = \gamma^0 m - i\gamma^0 \sum_{j=1}^3 \gamma^j \partial_j\]

est certes auto-adjoint mais pas borné inférieurement. Il a interprété les états d'énergie de cet opérateur de la façon suivante : les états d'énergie positive sont les électrons, tandis que dans le vide, les états d'énergie négatives sont tous remplis, et en vider un revient à créer une particule d'énergie positive. Ces particules sont considérées comme des anti-particules de l'électron, soit des positrons. Il s'agit de la première prédiction de l'anti-matière.

La représentation de Dirac consiste à fixer les matrices $\gamma$ suivantes écrites par bloc $2\times 2$,

\[\gamma^0 = \begin{pmatrix}{\bf 1}_2 & 0 \\ 0 & -{\bf 1}_2\end{pmatrix}, \quad \forall \; j=1,2,3, \; \gamma^j = \begin{pmatrix}0 & \sigma_j \\ -\sigma_j & 0\end{pmatrix}\]

où les $\sigma$ sont les matrices de Pauli :

\[\sigma_1 = \begin{pmatrix}0 & 1\\1&0\end{pmatrix},\quad \sigma_2 = \begin{pmatrix}0 & -i \\i& 0\end{pmatrix}, \quad \sigma_3 \begin{pmatrix}1 & 0 \\ 0 & -1\end{pmatrix}.\]

Cela revient à interpréter la base canonique de $\mathbb{C}^4$ de la façon suivante : le premier vecteur de base correspond à un électron de spin up, le deuxième à un électron de spin down, le troisième à un positron de spin down et enfin le quatrième à un positron de spin up - le spin est ici mesuré selon le troisième vecteur de la base canonique de $\mathbb{R}^3$. Cette interprétation en termes de spin est évidemment compatible avec l'écriture des matrices $\gamma$ en termes de de matrice de Pauli. Mais on notera que l'évolution spinorielle de la paire électron-positron est inscrite dans l'équation de Dirac. Cette équation couple donc de façon non-triviale les évolutions spatiales et spinorielles.

1.2. Extension au cas géométrique

Nous nous plaçons à présent dans le cadre général de la théorie quantique des champs en espace-temps courbe, voir [2, 11]. Cette théorie a pour but de connecter la théorie de la relativité générale et celle de la théorie quantique des champs. Les solutions en général évoquées quant à la connexion de ces deux théories fondamentales sont la théorie des cordes et celle des boucles quantiques gravitationnelles. Néanmoins, à basse énergie, ces théories semblent se réduire à la description de champs quantifiés évoluant dans des espaces-temps courbes (satisfaisant les équations d'Einstein). La théorie quantique des champs en espace-temps courbe a permis d'expliquer certaines instabilités observables actuellement comme des conséquences de la courte période d'expansion du début de l'univers. L'équation de Dirac en espace-temps courbe s'inscrit dans ce cadre plus général.

On se place dans une variété Lorentzienne, c'est-à-dire dont la métrique $g$ a pour signature $(1,-1,-1,-1)$, acceptant le formalisme de Cartan, c'est-à-dire qu'il existe un champ de matrices $e$ vérifiant en tout point

\[e^{\mu}_{\; a}\eta^{ab}e^{\nu}_{\; b} = g^{\mu\nu}.\]

Un tel champ de matrices est appelé vierbein ou tetrad. Ce choix n'est pas unique. En appliquant une transformation de Lorentz à $e$, on obtient un nouveau vierbein. Ce vierbein permet d'identifier l'espace tangent en un point à l'espace de Minkowski. Autrement dit, un choix de vierbein correspond à choisir une base de l'espace de Minkowski.

L'équation [1] est alors remplacée par l'équation

$$i\underline{\gamma}^\mu D_\mu u = m u \quad (4)$$

où $m\in \mathbb{R}_+^*$ est toujours la masse de l'électron, les matrices $\underline \gamma$ satisfont

$$\{\underline\gamma^\mu,\underline\gamma^\nu\} = 2 g^{\mu \nu}Id_{\mathbb{C}^4} \quad (5)$$

et $D_\mu $ est la dérivée covariante pour les bispineurs de Dirac. Cette dernière est construite de sorte que l'équation soit covariante. Plus prosaïquement, $D_\mu$ s'écrit

\[D_\mu = \partial_\mu + i \omega_\mu^{\; ab}\Sigma_{ab}\]

où $\omega_\mu^{\; ab}$ est une quantité purement géométrique dépendant du choix de vierbein, tandis que $\Sigma_{ab}$ est une quantité purement algébrique qui dépend du type de particules considéré (ici donc une paire électron-positron). Ici, on a

\[\Sigma_{ab} = \frac{i}{8} [\gamma^a,\gamma^b].\]

Si le vierbein $e$ est transformé localement par une transformation de Lorentz $L$ en un vierbein $e'$ alors la dérivée covariante est transformée en une dérivée $D'$ qui vérifie

\[D'\circ U(L) = U(L) \circ D.\]

Ajoutons que le choix des $\underline \gamma$ est dicté par le choix du vierbein comme

\[\underline \gamma^\mu = e^{\mu}_{\; a} \gamma^a\]

et l'on obtient que l'équation (4) reste invariante par changement de vierbein, quitte à changer localement de base de $\mathbb{C}^4$.

Cette écriture très élégante et assez sobre permet également de changer de coordonnées de façon relativement simple, à condition de bien choisir son vierbein. Par exemple, dans l'espace plat, si l'on souhaite passer en coordonnées sphériques, on peut faire un changement de coordonnées à la main, qui donnera lieu à un vierbein assez compliqué. Ou bien on peut écrire directement la métrique en coordonnées sphériques et choisir un vierbein diagonal pour lequel les calculs sont plus aisés. Bien sûr, pour passer de l'une à l'autre équation, il faut effectuer un changement local de base de $\mathbb{C}^4$, mais comme on ne touche qu'à la variable d'espace, ce changement de base est unitaire et préserve la topologie de $L^2(\mathbb{R}^3,\mathbb{C}^4)$.

Enfin, l'équation (4) portée au carré devient

\[\tilde D^\mu D_\mu u - \frac14 \mathcal R u + m^2 u = 0\]

\[\tilde D^\mu X_\nu = g^{\mu \rho }D_\rho X_\nu + \Gamma^{\rho\mu}_{\; \; \nu} X_\rho\]

avec $\Gamma$ le symbole de Christoffel et $\mathcal R$ la courbure scalaire. Il s'agit bien d'une équation de Klein-Gordon, mais il ne s'agit plus de 4 équations de Klein-Gordon scalaires découplées, mais d'une équation de Klein-Gordon spinorielle.

2. Dispersion

2.1. Dans le cas plat avec ou sans potentiel

On veut à présent quantifier la dispersion pour l'équation de Dirac. Notons que comme l'équation (1) est invariante sous les changements de phase, la norme $L^2$ de ses solutions est conservée. Cette norme ne peut donc pas décroître. En revanche, on s'attend à ce que cette norme se concentre de plus en plus à l'infini. Autrement dit, si l'on regarde localement en espace la solution, on devrait pouvoir la voir décroître.

On rappelle que l'équation (1) portée au carré donne l'équation de Klein-Gordon (2). Or, cette équation est dispersive. En effet, si $v$ est une solution de (2) dont la donnée initiale $(v,\partial_t v)(t=0)$ appartient à $L^1(\mathbb{R}^3)$ et est localisée en fréquence, alors il existe une constante $C$ telle que pour tout $t \in \mathbb{R}_+^*$,

\[\|v(t)\|_{L^\infty(\mathbb{R}^3)} \leq C t^{-3/2},\]

voir par exemple [9]. De cette inégalité ponctuelle, on déduit des estimées dites de Strichartz, qui jouent un rôle pré-pondérant pour résoudre certaines équations de Dirac (et Klein-Gordon) non-linéaires. Ces estimées prennent la forme suivante. On se donne un triplet $(p,q,s)$ vérifiant $\frac2{p} + \frac3{q} = \frac32$, $s = \frac1{q} - \frac1{p}$, ainsi que $p,q\geq 2$ - dans toute la suite, on prendra $p,q,s$ de cette façon. Alors, il existe $C$ tel que pour tout $(v_0,v_1) \in H^{1/2}(\mathbb{R}^3)\times H^{-1/2}(\mathbb{R}^3)$, si $v$ est la solution de (2) avec pour données initiales $(v_0,v_1)$ alors $v \in L^p(\mathbb{R},W^{s,q}(\mathbb{R}^3))$ et

\[\|v\|_{L^p(\mathbb{R},W^{s,q}(\mathbb{R}^3))} \leq C (\|v_0\|_{H^{1/2}(\mathbb{R}^3)} + \|v_1\|_{H^{-1/2}(\mathbb{R}^3)}).\]

La norme $L^p$ est prise sur la variable temporelle, tandis que la norme $W^{s,q}$ est prise sur la variable spatiale.

Cette estimée se traduit directement à l'équation de Dirac. En effet, il existe $C$ tel que pour tout $u_0 \in H^{1/2}(\mathbb{R}^3)$, la solution $u$ de (1) avec pour donnée initiale $u(t=0) = u_0$ appartient à $L^p(\mathbb{R},W^{s,q}(\mathbb{R}^3))$ et

\[\|u\|_{L^p(\mathbb{R},W^{s,q}(\mathbb{R}^3))} \leq C \|u_0\|_{H^{1/2}(\mathbb{R}^3)}.\]

En d'autres termes, le flot de l'équation de Dirac est continu de $H^{1/2}(\mathbb{R}^3)$ à valeurs dans

\[L^p(\mathbb{R},W^{s,q}(\mathbb{R}^3)).\]

Si l'on ajoute un potentiel $V$ à l'équation de Dirac, c'est-à-dire qu'on résout le problème de Cauchy

$$\left \lbrace{\begin{array}{c}i\partial_t u = \mathcal D u + V u\\u(t=0)= u_0\end{array}} \right. ,$$

alors dans le cas général, les estimées de dispersion ponctuelles ne sont pas vérifiées. C'est le cas lorsque $V$ est la multiplication par une fonction se comportant en l'infini ou en $0$ comme $\frac1{|x|}$. En revanche, on peut tout de même dans certains cas démontrer des estimées de Strichartz. La stratégie est la suivante. Il convient de démontrer une inégalité dite de Kato, c'est-à-dire qu'il existe $C$ telle que pour tout $u_0$ dans $H^{1/2}$, si $u$ est solution du problème de Cauchy (6), alors

\[\|\rho(x)u(t,x)\|_{L^2(\mathbb{R}\times \mathbb{R}^3)} \leq C \|u_0\|_{H^{1/2}(\mathbb{R}^3)}\]

où $\rho$ est une fonction de poids suffisamment décroissante à l'infini. Cette inégalité est vérifiée dans le cas $V=0$ pour $\rho(x)= \frac1{\sqrt{1+x^2}}$. Si $V$ admet suffisamment de décroissance à l'infini, en combinant l'inégalité de Kato avec les inégalités de Strichartz dans le cas $V=0$, on obtient des inégalités de Strichartz pour l'équation (6). Cette stratégie a été appliquée dans [4, 7] pour différentes formes de potentiels.

2.2. Dans des produits tordus

On se place à présent dans le cadre des géométries lorentziennes à symétrie sphériques - c'est le cas de l'espace de Minkowski, des variétés hyperboliques, et de certains trous noirs - c'est-à-dire lorsqu'il existe un jeu de coordonnées $(t,r,\theta, \phi)\in \mathbb{R}\times \Sigma$ pour lesquelles la métrique se met sous la forme

\[g = \begin{pmatrix}1 & 0 & 0 & 0 \\0 & -1 & 0 & 0 \\0 & 0 & -\varphi^2(r) & 0 \\0 & 0 & 0 & -\varphi^2(r)\sin^2(\theta)\end{pmatrix}\]

où $\varphi$ est une fonction positive et régulière se comportant comme $r$ au voisinage de $0$ et ne croissant pas plus vite qu'une exponentielle en l'infini. Le cas plat correspond à $\varphi(r) = r$ le cas hyperbolique à $\varphi(r) = \textrm{sh }(r)$.

L'équation de Dirac peut alors se mettre sous la forme

\[i\partial_t u = \mathcal D_g u\]

avec

\[\mathcal D_g = \begin{pmatrix}m & -i\sigma_1 (\partial_r + \frac{\varphi'(r)}{\varphi(r)} ) + \frac1{\varphi(r)}\mathcal D_\omega \\-i\sigma_1 (\partial_r + \frac{\varphi'(r)}{\varphi(r)} ) + \frac1{\varphi(r)}\mathcal D_\omega & -m\end{pmatrix}\]

où $\mathcal D_\omega$ est l'opérateur de Dirac sur la sphère $\mathbb S^2$. En posant $\rho$ l'opérateur de multiplication par la fonction $r\mapsto \frac{r}{\varphi(r)}$, on obtient que

\[\rho^{-1}\mathcal D_g \rho = \mathcal D + \Big(\frac1{\varphi(r)} - \frac1{r}\Big) \begin{pmatrix}0 & \mathcal D_\omega \\\mathcal D_\omega & 0\end{pmatrix}\]

où $\mathcal D$ est l'opérateur de Dirac dans l'espace de Minkowski. Or, $\mathcal D_\omega$ est diagonalisable et ses fonctions propres sont construites à partir des harmoniques sphériques. On peut alors se placer sur un espace propre de $\mathcal D_\omega$ et travailler de façon perturbative autour de $\mathcal D$. La fonction

\[r\mapsto \frac1{\varphi(r)} - \frac1{r}\]

n'a a priori pas plus de décroissance que $\frac1{r}$ en l'infini, ce qui ne suffit pas pour exploiter les estimées de Kato. Néanmoins, cela suffit pour démontrer une estimée de Strichartz locale en temps. Il s'agit ensuite de sommer sur tous les espaces propres de $\mathcal D_\omega$. Pour cela, on exploite la théorie de Littlewood-Paley. Enfin, notons que les constantes dans les inégalités de Strichartz dépendent de l'espace propre de $\mathcal D_\omega$ sur lequel on se place. Lorsqu'on somme, cela se traduit en une perte de régularité sur la coordonnée sphérique. Plus précisément, on montre que

\[\|u\|_{L^p(I,L^q(\Sigma))} \leq C(\|u_0\|_{H^a(\Sigma)} + \|(1-\Delta_\omega)^{b/2}u_0\|_{L^2(\Sigma)})\]

où $I$ est un intervalle borné, et $\Delta_\omega$ est l'opérateur de Laplace-Beltrami sur la sphère $\mathbb S^2$. Les nombres de dérivées $a>0$ et $b\geq \frac3{p}$ doivent vérifier :

\[\frac1{a} + \frac2{b} \leq p.\]

Ce résultat nous a permis, avec Federico Cacciafesta, dans [5], de démontrer le caractère bien posé de l'équation de Dirac non-linéaire, dans ce type de géométries à symétrie sphérique, pour de basses régularité.

Par ailleurs, dans un second travail [1], avec F.C., Jonathan Ben-Artzi et Junyong Zhang, nous avons montré des inégalités de Strichartz globales dans des géométries à la fois asymptotiquement plates et à symétrie sphérique. Dans ce cas, la fonction

\[r\mapsto \frac1{\varphi(r)} - \frac1{r}\]

admet suffisamment de décroissance à l'infini pour exploiter la stratégie présentée en Sous-section 2.1.

2.3 Dans le cas asymptotiquement plat

Dans le cas asymptotiquement plat, c'est-à-dire quand la métrique $g$ prend la forme

\[g = \begin{pmatrix}1 & (0)\\(0) & -h\end{pmatrix}\]

où $h$ est une métrique riemannienne qui tend vers l'identité en l'infini et dont les dérivées tendent vers $0$ en l'infini, nous avons démontré, avec F.C. et Long Meng, dans [6] des inégalités de Strichartz globales sans hypothèses de symétries. Pour cela, nous avons écrit l'opérateur de Dirac au carré comme une perturbation d'ordre 1 de l'opérateur de Laplace-Beltrami sur la géométrie considérée et exploitée des résultats existants sur ces opérateurs, [3, 12]. La stratégie générale est celle mise en place à la Sous-section 2.1 dans le cas de l'opérateur de Dirac avec potentiel. Ici, la différence entre l'opérateur de Laplace-Beltrami et le carré de l'opérateur de Dirac dépend de la quantité

\[i \omega_\mu^{\; ab}\Sigma_{ab}\]

qui est nulle dans le cas plat et très décroissante en l'infini dans le cas asymptotiquement plat.

Dans le cas d'un trou noir à symétrie sphérique, il existe un jeu de coordonnées telles que la métrique puisse s'écrire comme une métrique asymptotiquement plate dans une direction mais asymptotiquement hyperbolique dans une autre, voir par exemple [8, 10]. Pour comprendre la dispersion locale en dehors d'un trou noir, il s'agirait de recoller ces deux directions. Pour comprendre la dispersion globale, il faudrait s'assurer qu'il n'y ait pas de comportements pathologiques des solutions de l'équation de Dirac dans la variété hyperbolique.

Je remercie Federico Cacciafesta pour sa relecture et ses précieuses suggestions. Je remercie Stéphane Munier pour son aide quant à la formulation de la dérivation de l'équation de Dirac et ses explications éclairantes.

Note

Si $s$ est fractionnaire, $W^{s,p}$ est interpolé entre $W^{n,p}$ et $W^{n+1,p}$ où $n$ est la partie entière de $s$.

Références

[1] Jonathan Ben-Artzi, Federico Cacciafesta, Anne-Sophie de Suzzoni, and Junyong Zhang. Global strichartz estimates for the dirac equation on symmetric spaces. Forum of Mathematics, Sigma, 10:e25, 2022.

[2] N. D. Birrell and P. C.W. Davies. Quantum Fields in Curved Space. Cambridge Monographs on Mathematical Physics. Cambridge University Press, 1982.

[3] Jean-François Bony and Dietrich Hafner. The semilinear wave equation on asymptotically euclidean manifolds. Communications in Partial Differential Equations, 35(1):23–67, 2009.

[4] Nabile Boussaid, Piero D’Ancona, and Luca Fanelli. Virial identity and weak dispersion for the magnetic Dirac equation. J. Math. Pures Appl. (9), 95(2):137–150, 2011.

[5] Federico Cacciafesta and Anne-Sophie de Suzzoni. Local in Time Strichartz Estimates for the Dirac Equation on Spherically Symmetric Spaces. International Mathematics Research Notices, 2022(4):2729–2771, 08 2020.

[6] Federico Cacciafesta, Anne-Sophie de Suzzoni, and Long Meng. Strichartz estimates for the dirac equation on asymptotically flat manifolds, 2022.

[7] Piero D’Ancona and Mamoru Okamoto. On the cubic Dirac equation with potential and the Lochak-Majorana condition. J. Math. Anal. Appl., 456(2):1203–1237, 2017.

[8] Thierry Daude, Damien Gobin, and François Nicoleau. Local inverse scattering at fixed energy in spherically symmetric asymptotically hyperbolic manifolds. Inverse Probl. Imaging, 10(3):659–688, 2016.

[9] Lars Hormander. Remarks on the Klein-Gordon equation. In Journées “Equations aux dérivées partielles” (Saint Jean de Monts, 1987), pages Exp. No. I, 9. Ecole Polytech., Palaiseau, 1987.

[10] J.-P. Nicolas. Scattering of linear Dirac fields by a spherically symmetric black hole. Ann. Inst. H. Poincaré Phys. Théor., 62(2):145–179, 1995.

[11] Leonard Parker and David Toms. Quantum Field Theory in Curved Spacetime: Quantized Fields and Gravity. Cambridge Monographs on Mathematical Physics. Cambridge University Press, 2009.

[12] Junyong Zhang and Jiqiang Zheng. Strichartz estimate and nonlinear Klein-Gordon equation on nontrapping scattering space. J. Geom. Anal., 29(3):2957–2984, 2019.

Contact

Anne-Sophie de Suzzoni est professeure Monge à l'École polytechnique, membre du Centre de mathématiques Laurent Schwartz (CMLS - UMR7640 - CNRS/École polytechnique).