Interview de Hugo Vanneuville

Portraits

Interview de Hugo Vanneuville, recruté au CNRS en 2020, membre de l'Institut Fourier (CNRS & Université Grenoble Alpes).

1- Quel est ton domaine de recherche ?

Mon domaine de recherche se situe à l'intersection de la théorie des probabilités et de la physique statistique ; on y étudie notamment des modèles aléatoires permettant de décrire des phénomènes de transition de phase. Le but de la physique statistique est de comprendre le comportement d'un système constitué de très nombreux éléments (en partant de la description de ce système au niveau microscopique). Une transition de phase est un changement radical du système lorsqu'un certain paramètre franchit un seuil dit critique.

Dans le monde physique, les exemples les plus connus de transition de phase sont les transitions solide/liquide/gaz, le paramètre est alors la température. Dans mon activité de recherche, j'étudie des transitions de phase dans des modèles de percolation. En théorie de la percolation (introduite dans les années 50), on s'intéresse aux propriétés de connectivité d'un ensemble aléatoire, par exemple un ensemble aléatoire d'arêtes d'un (immense) réseau. Le paramètre est alors la densité de cet ensemble, et la transition de phase peut être décrite de la façon suivante dans de nombreux modèles : lorsque la densité se situe sous une valeur critique, l'ensemble aléatoire est constitué avec très grande probabilité de petits îlots déconnectés les uns des autres. Lorsque la densité atteint une valeur critique, des structures fractales apparaissent, signes de l'émergence d'interactions à chaque échelle. Enfin, lorsque la densité est au-dessus de cette valeur critique, l'ensemble aléatoire possède une immense composante avec très grande probabilité.

Je trouve fascinant le fait que les propriétés (statistiques) du système changent radicalement lorsque le paramètre franchit un certain seuil, alors même qu'au niveau microscopique le système change de façon continue. Dans mon domaine de recherche, on essaie de comprendre ce phénomène, notamment à partir des propriétés géométriques des objets fractals qui apparaissent au seuil critique.

2- Qu’as-tu fait avant d’entrer au CNRS ?

J'ai fait une thèse à l'université Lyon 1 sous la direction de Christophe Garban. Pendant cette thèse, j'ai notamment étudié, avec Christophe Garban, Stephen Muirhead et Alejandro Rivera, des modèles de percolation qui évoluent dans le temps et des modèles de lignes de niveaux de fonctions aléatoires. J'ai ensuite passé un an et demi à l'ETH Zürich. J'y ai fait un post-doctorat avec Vincent Tassion dont le but principal était de développer de nouvelles méthodes pour l'étude du phénomène dit de sensibilité au bruit en percolation critique.

3 - Pourrais-tu nous parler de mathématiciens ou de mathématiciennes qui t’ont marqué, influencé, ou que tu admires tout particulièrement (personnages historiques ou contemporains)  ?

Difficile de répondre de façon concise ! Je me lance quitte à ne pas mentionner de nombreuses personnes dont j’aimerais beaucoup parler.

J'ai bien sûr été très influencé par mes encadrants de thèse puis de post-doctorat - Christophe Garban et Vincent Tassion. Pour ne parler que d'une chose qu’ils ont en commun, Christophe et Vincent font de la recherche et partagent leurs idées avec un très grand enthousiasme, ce qui est un vrai moteur pour les gens avec qui ils travaillent. C’est notamment très important dans les moments où on se rend compte qu'on s'est trompé ! ("C'est donc encore plus intéressant que ce qu'on pensait !")

Parmi les gens avec qui je n’ai pas eu personnellement d’interaction, j’aimerais parler des personnes suivantes.
 
J’aime penser avoir été influencé par la manière que Michel Talagrand a - dans ses livres - de "converser" avec les lecteurs et lectrices, et le fait qu'il n'hésite pas à visiter encore et encore ses théories.
 
J’ai par ailleurs été marqué par la vision de la recherche transmise par Laure Saint-Raymond, notamment lors de l’exposé qu’elle a donné à l’académie des sciences il y a trois ans. Elle y explique en particulier en quoi la recherche devrait être davantage abordée avec un point de vue collectif, et qu’un aspect trop souvent minimisé de cette activité est celui de lire et relire les travaux des collègues, développer un nouveau regard sur ces mêmes travaux, les réécrire différemment...
 
J’ai de plus été influencé par les travaux de Lucio Russo et ai notamment développé une obsession pour son article "An approximate zero-one law" (écrit au début des années 80) ! Je ne vais pas décrire ici son contenu, mais ça a été pour moi un émerveillement d’y découvrir les prémices de nombreuses idées centrales de mon domaine de recherche, et d’essayer de comprendre le chemin que celles-ci ont parcouru. En tentant de parcourir ce chemin le long de plusieurs articles sur quarante ans, je me suis aussi rendu compte que, peut-être plus qu’être influencé par un petit nombre de grandes figures, je le suis par tout un collectif de mathématiciens et mathématiciennes.
 
Enfin, je travaille quotidiennement sur de magnifiques objets introduits par Oded Schramm et les personnes avec qui il a travaillé. J’aurais du mal à imaginer mon activité de recherche sans cela !

4- Pourquoi le CNRS ?

Un poste au CNRS donne une très grande liberté dans notre pratique de la recherche, et cette liberté me semble être très importante quand un des buts est de développer de nouveaux points de vue.

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Contact

Hugo Vanneuville est chargé de recherche au CNRS, affecté à l'Institut Fourier (CNRS & Université Grenoble Alpes).