Interview de jeune chercheur : Lénaïc Chizat

Portraits

Interview de Lénaïc Chizat, recruté au CNRS en octobre 2018.

Quel est ton domaine de recherche ?

Mon domaine de prédilection est aussi celui par lequel je suis entré dans la recherche : le transport optimal. Cette théorie est née de la question suivante : comment transporter une distribution de masse d’une configuration à une autre à moindre coût ? J’ai étudié dans ma thèse des extensions de cette question où l’on s’autorise à injecter ou retirer de la masse au cours du transport, une liberté qui permet d’élargir le champ d’application de cette théorie. Un des aspects fascinants du transport optimal est qu’il sert d’outil de preuve et permet de construire des algorithmes dans des domaines très divers : je l’utilise par exemple pour étudier des méthodes d’optimisation non-convexe, des équations aux dérivées partielles, ou encore l’apprentissage statistique.

Qu’est-ce qui t’a amené à faire des mathématiques ?

C’est en master que j’ai été pris de passion pour les mathématiques. Les cours traitaient des outils mathématiques pour le traitement du signal et des données. J’ai rapidement été saisi par le pouvoir qu’ont les mathématiques à produire des points de vue fertiles sur des problèmes concrets, et à exhiber les propriétés fines de tant de modèles et algorithmes. Je me rappelle d’une année intense où j’étais boulimique d’un savoir que je voyais soudain sous un jour nouveau, entièrement dépouillé de son aspect scolaire. Alors que mon ambition initiale en intégrant ce master était de me construire un bagage technique pour travailler sur le développement d’applications, j’ai revu mes plans pour me concentrer sur la recherche et suivre mon rêve d’ajouter quelques pierres à l’édifice mathématique.

Qu’attends-tu du métier de mathématicien ?

Le métier de mathématicien (appliqué, en particulier) inclut à mon sens les deux rôles suivants, qui bien sûr s’entrelacent : comprendre et inventer. Comprendre, c’est d’abord trouver le bon modèle pour décrire un système donné : un modèle qui soit à la fois assez simple pour offrir prise à la théorie, et assez riche pour saisir les aspects essentiels du système. C’est par exemple sur cet aspect que se concentrent mes recherches sur les réseaux de neurones artificiels aujourd’hui. Comprendre, c’est aussi analyser ce modèle en profondeur, condenser sa description autour de quelques théorèmes clés, et enfin transmettre. Le second rôle, c’est d’inventer : inventer des algorithmes et des techniques, accompagnés de garanties théoriques de fiabilité et de robustesse. Sur cet aspect, je dirais que la spécificité du mathématicien est qu’il cherche ce qu’il y a d’essentiel, d’inévitable ou d’optimal pour un problème donné. Cela vient parfois au prix d’un écart avec la pratique, mais néanmoins avec l’ambition d’une interaction riche avec celle-ci.

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©Lénaïc Chizat

Contact

Lénaïc Chizat est chargé de recherche au CNRS, affecté au laboratoire de mathématiques d’Orsay (LMO - CNRS & Université Paris-Sud).