Interview d’Yvon Maday, lauréat du prix ICIAM Pioneer 2019

Portraits

Interview d’Yvon Maday, professeur à Sorbonne Université et professeur invité à Brown University, lauréat du prix ICIAM Pioneer 2019.

Pouvez-vous nous parler de vos travaux ?

Ils se placent dans la catégorie “Analyse”, plus précisément “Analyse Appliquée” et portent principalement sur l’Analyse Numérique et la modélisation. La finalité est de proposer des méthodes numériques et des algorithmes qui vont être mis en œuvre sur des ordinateurs pour trouver la solution de modèles tendant à représenter des phénomènes réels. Ces modèles sont principalement du type “équations aux dérivées partielles” mais d’autres modélisations peuvent être requises. Les domaines d’application sont assez vastes (mécanique, physique, chimie, médecine, biologie,….) et peuvent même venir de questions posées par les industriels. La recherche de ces solutions permet de simuler numériquement — in silico comme on dit parfois — des phénomènes réels et vise d’une part à remplacer des expériences réelles qui coûteraient beaucoup plus cher et seraient même parfois impossibles et d’autre part à améliorer notre connaissance et notre compréhension de ces phénomènes. Voilà pour le cadre. Mes contributions portent sur de nouvelles méthodes pour accélérer, fiabiliser et rendre plus pertinentes et plus précises un certain nombre de simulations numériques.

Pouvez-vous nous parler de mathématiciens ou mathématiciennes qui ont influencé vos travaux, ou que vous admirez particulièrement ?

Mes “maîtres” m’ont évidemment beaucoup influencés et je leur dois beaucoup, au premier rang desquels vient mon directeur de thèse, Pierre Arnaud Raviart et le fondateur du Laboratoire où j’ai fait la plus grosse partie de ma carrière, Jacques-Louis Lions, avec qui j’ai eu le plaisir de collaborer. Les collègues et étudiants avec qui j’ai pu collaborer comptent aussi beaucoup dans mes travaux, en France ou à l’étranger et les citer seraient sans doute trop long, mais je considère mon travail comme un travail d’équipe, j’ai rarement travaillé tout seul sur un sujet. Le côté confrontation d’idées, polissage, “fausse-route-mais-ça-valait-le-coup-d’essayer”… correspond à ma vision de la recherche, que ce soit avec des collègues mathématiciens ou ceux venant d’autres disciplines.

Qu’est-ce qu’être mathématicien pour vous ?

C’est un professionnel du raisonnement et de la logique. Chaque pas, chaque étape est mesuré, vérifié, et vise à être solide et robuste pour que l’édifice qui se construit soit bien solide. Pour ce qui m’intéresse, c’est-à-dire les applications, l’objectif est de partir d’une hypothèse (valide ou dont on veut tester la validité) et de voir jusqu’où cela peut mener par rapport à un objectif recherché. L’objectif pouvant être de comprendre des mécanismes de façon intrinsèque, d’optimiser ou de contrôler des processus. Les conclusions sont donc aussi solides que les hypothèses qui y ont conduit.

Les mathématiques, même lorsqu’on les qualifie d’appliquées, sont une science fondamentale. Que cela signifie-t-il pour vous ?

Pour progresser sur ce chemin rigoureux du raisonnement mathématique, la notion de temps de la démarche importe peu et les méandres du raisonnement peuvent amener à des découvertes fortuites ou passer par des étapes non prévues, mais, en tout cas pour ce qui me concerne, l’objectif applicatif reste toujours présent. Dans le cadre des applications industrielles, cette rigueur peut parfois, pour des raisons de compromis avec le temps, amener à accepter que des étapes ne soient pas totalement vérifiées, mais le besoin de rigueur résiste et ces étapes, qui restent en petit nombre, sont bien identifiées et peuvent faire l’objet d’un retour si nécessaire. L’abstraction qui sous-tend la démarche mathématique permet aussi d’aborder avec les mêmes outils des domaines scientifiques différents, ce qui est très riche. La diversité des collaborations que j’ai pu avoir stimule la créativité en guidant ou influençant l’intuition et permet de proposer des solutions originales. A la base de l’abstraction est la recherche, éventuellement en tâtonnant, des principes les plus fondamentaux du phénomène à étudier pour en saisir la logique propre et du coup proposer les approches les plus pertinentes et efficaces pour les simuler.

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Contact

Yvon Maday est professeur à Sorbonne Université et professeur invité à Brown University. Il est membre du laboratoire Jacques-Louis Lions (LJLL - CNRS, Université Paris Diderot, Sorbonne Université).