Le laboratoire international CNRS-PIMS (Pacific Institute for the Mathematical Sciences) : un IRL canadien en expansion continue

International Vie des labos

Le Pacific Institute for the Mathematical Sciences (PIMS) est un institut de recherche en mathématiques créé en 1996 par plusieurs universités canadiennes, dans le but de promouvoir la recherche et l'excellence dans tous les domaines des sciences mathématiques. Depuis 2007, le CNRS est lié au PIMS via un laboratoire international de recherche (IRL CNRS-PIMS) renouvelé en 2024 pour la troisième fois. L'Insmi revient sur cette coopération qui connaît un franc succès.

Site PIMS de l'Université de la Colombie-Britannique© PIMS

Un institut unique ancré sur le territoire canadien

En 1996, le mathématicien canadien Nassif Ghoussoub a réuni un consortium de cinq universités de l’Alberta et de la Colombie-Britannique afin de donner naissance au Pacific Institute for the Mathematical Sciences (PIMS), dont l’objectif était et est toujours de promouvoir la recherche dans tous les domaines des sciences mathématiques. Ces cinq universités originelles – l'Université de l'Alberta, l'Université de Calgary, l'Université de la Colombie-Britannique, l'Université Simon Fraser et l'Université de Victoria – ont depuis été rejointes par l’Université de Washington aux États-Unis en 2005, l’Université de Regina en 2007, l’Université de Saskatchewan en 2008, l’Université de Lethbridge en 2012 et enfin l’Université du Manitoba en 2015. Ce sont donc désormais dix universités qui composent le PIMS, réparties dans l’ouest du Canada, ce qui confère à l’institut une structure unique à plusieurs égards.

En effet, contrairement à d’autres instituts généralement centralisés sur un seul site, le PIMS dispose quant à lui d’un site dans chacune de ces dix universités. Les chercheurs sont ainsi répartis dans l’ensemble du réseau et les événements du PIMS sont organisés dans chacun de ces sites, ce qui a permis de redynamiser les mathématiques sur l’ensemble du territoire concerné. Au fil des années, le PIMS a par ailleurs abattu les barrières disciplinaires avec d’autres thématiques de recherche et sa communauté s’étend aujourd’hui bien au-delà des simples départements de mathématiques et de statistiques. Elle comprend désormais des scientifiques dans des domaines variés tels que la physique, la biologie, l’ingénierie, l’informatique, la recherche opérationnelle ou encore l’économie qui font du PIMS un véritable moteur d’échange et de collaboration pluridisciplinaire. Enfin, parmi les quatre grands instituts de mathématiques au Canada, le PIMS est le seul à être institutionnellement binational de par la présence de l’Université de Washington, ce qui le projette au-delà des frontières du Canada et lui permet de bénéficier de développements scientifiques et économiques non seulement avec les États-Unis, mais aussi à l’international.

En 2007, le PIMS et le CNRS ont signé un accord de coopération, créant ainsi l’unité mixte internationale CNRS-PIMS, anciennement appelée PIMS-Europe, afin de faciliter les échanges entre les mathématiciennes et mathématiciens français et nord-américains. Cet accord a été prolongé en 2019, le PIMS devenant ainsi un International Research Laboratory, un nouveau type d’entité défini dans le cadre de la simplification des structures du CNRS. Le PIMS connaît aujourd’hui son troisième renouvellement, une nouvelle qui ravit son directeur actuel, le professeur Ozgur Yilmaz.

Nous venons d'apprendre que le CNRS a approuvé un renouvellement pour 5 ans, nous sommes actuellement en pleine procédure administrative pour finaliser cet accord. Je pense que jusqu’à présent, cette collaboration a été un grand succès et je suis très enthousiaste à l'idée de continuer.
Ozgur Yilmaz, directeur du PIMS

Une collaboration prolifique avec le CNRS

Entre le CNRS et le PIMS, la collaboration s’exprime notamment via les Flagship Programs, différents programmes d’échanges et de visites réciproques de plus ou moins longue durée entre les deux institutions. On retrouve parmi ces programmes phares de l’institution le PIMS-CNRS Postdoctoral Fellowships, réservé à des candidates et candidats issus des Unités Mixtes de Recherche de l’Insmi, ou encore le programme CNRS Visitors, considéré comme la colonne vertébrale de ces échanges par le directeur Ozgur Yilmaz. Celui-ci permet à des chercheuses et chercheurs membres des unités mixtes de recherche de l’Insmi (CNRS Mathématiques) de passer 6 mois à 1 an au sein du PIMS.

Une expérience vécue par Vincent Calvez, directeur de recherche CNRS au Laboratoire de mathématiques de Bretagne-Atlantique1 et actuel directeur adjoint du PIMS, qui a effectué un séjour de 7 mois au PIMS entre 2017 et 2018 dans ce cadre. L’implantation géographique unique du PIMS et sa communauté pluridisciplinaire ne lui ont par ailleurs pas échappé, de même que la grande liberté dont jouissent les chercheuses et chercheurs lors de leur visite.

  • 1CNRS/Université Bretagne Occidentale/Université Bretagne-Sud
J’ai eu une expérience formidable en tant que CNRS Visitor. Ce que j'ai vraiment apprécié, c'est la grande liberté dont vous disposez une fois sur place : vous pouvez visiter différents lieux, rencontrer différents groupes de recherche et assister à leurs réunions. Personnellement, j’ai créé des liens avec un groupe au sein du département de mathématiques de l’UBC, et avec un groupe du Biodiversity Research Centre, qui ne fait pas partie de PIMS mais se trouve littéralement de l’autre côté de la rue, ce qui était très enrichissant. Cela m’a été très utile de voir d'autres façons d'organiser la recherche.
Vincent Calvez, directeur de recherche au Laboratoire de mathématiques de Bretagne-Atlantique et directeur adjoint du PIMS

Avant ce séjour, le chercheur n’avait aucun lien avec Vancouver, où se situe le site PIMS de l’Université de Colombie Britannique. Presque 7 ans après, les connexions qu’il a établies à l’époque continuent de porter leurs fruits. Il s’apprête en effet à accueillir une doctorante diplômée de l’Université Simon Fraser dont il a rencontré la tutrice lors de son séjour, celle-ci faisant alors partie du Biodiversity Research Centre. Selon ses propres termes, les liens tissés via le programme CNRS Visitors sont « très forts, à la fois en biologie et en mathématiques » et ont beaucoup apporté à ses recherches.

Le PIMS est donc riche en opportunités pour les chercheuses et chercheurs, sur de nombreux aspects. Selon Ozgur Yilmaz, le maillage géographique de l’institut ainsi que sa variété de domaines et thématiques de recherches permettent « de regarder autour de soi et de voir ce que font les autres, de sortir un peu de sa routine quotidienne ». Une stimulation accentuée par le cadre agréable des villes où sont implantés les sites du PIMS, dont il résume les bénéfices de la façon suivante : « un bon environnement est un facteur important pour produire de bonnes mathématiques ». Quant à Vincent Calvez, il souligne la facilité avec laquelle les échanges se font : « une fois que vous entrez dans le réseau, la nouvelle se répand et vous êtes facilement invité à donner des séminaires, assister à des réunions, etc. Vos étudiants et collaborateurs sont également les bienvenus et le PIMS vous aide à organiser leur visite ».

Témoignage de Lucia Di Vizio, chercheuse au Laboratoire de Mathématiques de Versailles

J’ai rencontré Marni Mishna, professeure à la Simon Fraser University, à un colloque en septembre 2017, à Banff. En octobre 2018, Marni donnait un très bel exposé au groupe de travail Transcendance et Combinatoire, que j'organise avec Alin Bostan et Kilian Raschel. En novembre 2019, Gwladys Fernandes donnait également une série d’exposés sur un théorème de Ritt et un théorème de Becker et Bergweiler. Notre collaboration à trois a commencé ainsi.

En mars 2020, nous avions enfin des questions précises et une vague stratégie de preuve, mais la collaboration à distance s’est révélée impossible. Aux difficultés objectives de trouver des horaires en harmonie avec nos vies de famille s’ajoutait une difficulté de fond du projet, à savoir nos parcours mathématiques très différents : nous avions vraiment besoin de nous retrouver devant un tableau ! C’est ainsi que nous avons sauté sur l’occasion offerte par le PIMS de me financer un séjour chez Marni, ce qui nous a permis de terminer notre travail.

Je donnerai une vision de « niche » sur cette expérience, puisque je pense être la seule femme qui est partie dans l’IRL du PIMS depuis une dizaine d’années. Je suis restée à Vancouver 4 mois : c’était le maximum envisageable. Pendant 2 mois et demi, j'y suis restée seule avec mon fils de 9 ans. D’abord Vancouver a quelques écoles publiques francophones, et celle de mon fils était excellente. Marni a été d’une grande aide car, avec sa connaissance fine du terrain, elle a été mieux qu’un site de recommandations et astuces pour mères au bord du burn-out. Pour mon fils, ça a été une expérience magnifique.

On dit souvent qu’un séjour en IRL est une excellente opportunité de carrière et c’est objectivement vrai. Pour moi, ça a été une occasion de me ressourcer professionnellement, mais pas seulement : nous avons écrit un article qui était dans nos cordes, mais que nous n’aurions pas écrit en travaillant à distance. Je pense pouvoir parler au nom de mes co-autrices en disant que nous avons pris beaucoup de plaisir à l’écrire. Aucun chercheur ne devrait laisser passer une opportunité pareille, mais particulièrement les femmes : il est indéniable qu’une société sexiste impose aux chercheuses et aux enseignantes-chercheuses un quotidien qui n’est pas toujours facile, mais partir au bout du monde permet justement de se débarrasser de ces conditionnements sociaux, par le simple fait d’être suspendue entre deux lieux, dans une espèce de zone franche. Ça fait un bien fou ! Donc je n’ai qu’un conseil à vous donner : partez à la première occasion !

Des événements internationaux à succès

Le rayonnement international du PIMS et sa collaboration avec le CNRS s’étendent au-delà des séjours organisés entre les deux institutions via ces programmes. Fort de sa position au Canada et de son attractivité florissante, l’institut organise près d’une centaine d’événements par an, de taille et d’ampleur différentes. Récemment, le PIMS a ainsi organisé, en étroite collaboration avec le bureau du CNRS à Ottawa et avec le Consulat général de France à Vancouver, le France-Western Canada Workshop on Ocean and Polar Sciences. S’inscrivant dans le cadre du dialogue stratégique mené par le Comité mixte France - Canada sur la science, technologie et innovation, l’objectif principal de cet événement était d'identifier des thèmes de recherche communs, d'explorer de nouvelles possibilités d’interactions et de favoriser les collaborations entre le Canada de l’Ouest et la France. Un événement qui, à en croire les nombreux retours positifs, a connu un franc succès et qu’Ozgur Yilmaz aimerait décliner sur d’autres thématiques à l’avenir.

Il y a d'autres directions que nous voulons explorer et organiser sur ce modèle. Nous avons mis en place un système dans lequel chaque conférence était tenue non pas par un, mais par deux chercheurs, l’un du Canada et l’autre de France. Au lieu de séparer leur discours en deux, nous leur avons demandé de s’entretenir avant et de se coordonner afin de rendre la conférence plus dynamique. J'avais des doutes sur la façon dont cela fonctionnerait, mais cela a été une réussite. Je pense d’ailleurs que certains de ces duos de scientifiques ont commencé à collaborer durant leur échange de préparation au workshop. J'espère pouvoir réitérer l'expérience, car je suis très enthousiaste quant au résultat !
Ozgur Yilmaz, directeur du PIMS

Pour les cinq années à venir, Ozgur Yilmaz souhaiterait continuer à développer les échanges entre le PIMS et la France, notamment via des échanges de plus courtes durées ainsi qu’en organisant de nouveaux workshops alignés avec les priorités thématiques du CNRS et du PIMS. Il aimerait aussi, à terme, réunir les représentants d’universités d’Amérique du Nord et du Sud afin de « voir s'il existe des synergies que nous pourrions développer ensemble grâce à notre lien commun avec le CNRS ». Nul doute, donc, que le PIMS réserve encore de beaux projets aux communautés mathématiques française et canadienne à l’avenir.