Les travaux de Patricia Reynaud-Bouret, médaille d’argent CNRS 2021

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Patricia Reynaud-Bouret figure parmi les lauréates et lauréats 2021 de la médaille d’argent du CNRS, qui distingue des chercheurs et des chercheuses pour l’originalité, la qualité et l’importance de leurs travaux, reconnus sur le plan national et international.

Patricia Reynaud-Bouret est directrice de recherche au CNRS, affecté au Laboratoire Jean-Alexandre Dieudonné1 . Elle a soutenu sa thèse en 2002 à l’Université Paris-Saclay puis a été recrutée en 2003 au CNRS après une année de post-doctorat à Georgia-Tech. Elle a reçu en 202 le prix Pierre Faurre de l’Académie des sciences, prix triennal destiné à récompenser et encourager dans la poursuite de ses travaux un chercheur ou une chercheuse âgé de moins de 45 ans, de l’Union européenne ayant déjà effectué une œuvre significative dans l’application des mathématiques, de l’informatique, de l’automatique et du calcul scientifique aux sciences du vivant. Elle est directrice de l'institut NeuroMod pour la modélisation en neurosciences et en cognition.

Patricia Reynaud-Bouret est statisticienne, spécialiste en statistique des processus et plus particulièrement des processus de Hawkes, avec un double aspect théorique avec des résultats très généraux concernant des inégalités de concentration, et applicatif aux neurosciences et en génomique via des processus de comptage.

Patricia Reynaud-Bouret est pionnière dans l'estimation de la densité d'un processus de Poisson ponctuel. Dans un article fondateur2 , elle apporte une réponse franche à un problème fondamental de statistique en évaluant le risque minimax (i.e. le risque du meilleur estimateur pour la pire des densités) pour des classes variées de régularité de la densité. Cet article a ensuite inspiré ses travaux sur l'estimation de la densité conditionnellement au passé des processus ponctuels de Hawkes. Ces processus permettent de modéliser les phénomènes d’auto-excitation et sont particulièrement pertinents en neurologie et en génomique.

Parmi ses résultats récents, citons-en deux, reliés entre eux par leur objet d’étude, mais le premier fortement interdisciplinaire, et le second purement mathématique.

Le premier exemple porte sur la reconstruction du graphe de connectivité fonctionnelle d’un réseau de neurones. En 2015, Patricia Raynaud-Bouret a modélisé, avec Niels Richard Hansen et Vincent Rivoirard, les trains de potentiels d’action (spikes trains) par un processus de Hawkes multivarié3 . À la suite de ce travail, elle valide avec ses coauteurs et coautrices une méthodologie permettant de tester la reconstruction du graphe de connectivité fonctionnelle (« qui influence qui ? ») d’un réseau de neurones y compris en présence d’une erreur de modèle4 . Ce travail permet de retrouver de façon consistante, les graphes sous-jacents, avec moins de 5% d’arêtes du graphe détectées à tort.

Le deuxième exemple porte sur les inégalités de concentration et estimations de modèles discrets en temps. Là encore, il s’agit d’estimer par méthode Lasso un graphe de connectivité, avec la difficulté qu’une inégalité oracle (permettant de caractériser le comportement de l’estimateur) n’avait pu être obtenue (dans leurs travaux précédents) que lorsque tout le réseau est observé, ce qui n’est pas le cas en pratique. En collaboration avec Guilherme Ost, Patricia Reynaud-Bouret obtient des résultats théoriques (concentration de la mesure, estimation de la plus petite valeur propre) sur le voisinage d’interaction de neurones lorsque seul un petit nombre est observé, pour une large classe de processus discrets en temps, incluant les processus de Hawkes discrétisés5 .

Patricia Reynaud-Bouret a entamé depuis quelques années une collaboration avec Alexandre Muzy, informaticien du laboratoire I3S6 Ils ont travaillé sur des algorithmes dits de thinning de type Ogata, qui permettent de simuler des processus ponctuels inhomogènes à partir de « l’éclaircissement » des points d’un processus homogène. Ils ont montré, avec Tien Cuong Phi qu’en utilisant la parcimonie à chaque nœud du graphe de connectivité d’un processus de type Hawkes, on peut grandement augmenter la taille globale des réseaux simulés. Ils peuvent alors atteindre facilement le million de neurones dans les simulations7 .

  • À lire. Une série de deux articles écrits par Julien Chevallier & Patricia Reynaud-Bouret, avec la participation de Marc Monticelli pour Images des mathématiques : nos neurones se synchronisent-ils ?
  • À noter. Parmi les lauréats 2021 de la médaille d’argent, figurent aussi Hélène Morlon, directrice de recherche CNRS en biologie évolutive à l’Institut de biologie de l’École normale supérieure8 , spécialiste de la modélisation de la biodiversité qui a commencé sa carrière au CNRS au Centre de mathématiques appliquées et Gabriel Peyré, directeur de recherche en intelligence artificielle au Département de mathématiques et applications de l’École normale supérieure9 et spécialiste en science des données.
  • 1UMR7351 - CNRS & Université Côte d'azur
  • 2Adaptive estimation of the intensity of inhomogeneous Poisson processes via concentration inequalities. Probab. Theory Related Fields 126 (2003), no. 1, 103–153
  • 3Lasso and probabilistic inequalities for multivariate point processes. Bernoulli 21 (2015), no. 1, 83–143.
  • 4Régis C Lambert, Christine Tuleau-Malot, Thomas Bessaih, Vincent Rivoirard, Yann Bouret, Nathalie Leresche, Patricia Reynaud-Bouret. Reconstructing the functional connectivity of multiple spike trains using Hawkes models. J. Neurosci Methods 297 (2018), 9-21.
  • 5Adaptive estimation of the intensity of inhomogeneous Poisson processes via concentration inequalities. Probab. Theory Related Fields 126 (2003), no. 1, 103–153.
  • 6UMR7271 - CNRS & Univ. Côte d'Azur
  • 7Event-Scheduling Algorithms with Kalikow Decomposition for Simulating Potentially Infinite Neuronal Networks. SN Comput. Sci. 1, 35 (2020).
  • 8UMR8197 - CNRS, ENS Paris, Inserm
  • 9UMR8553 - CNRS & ENS Paris