Les travaux d’Eleonora Di Nezza, médaille de bronze 2021

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Eleonora Di Nezza figure parmi les lauréates et lauréats 2021 de la médaille de bronze du CNRS, qui récompense les premiers travaux consacrant des chercheurs et des chercheuses spécialistes de leur domaine. Cette distinction représente un encouragement du CNRS à poursuivre des recherches bien engagées et déjà fécondes. Vincent Guedj, avec l’aide de Sébastien Boucksom, présente ses travaux.

Eleonora Di Nezza est une mathématicienne spécialiste de géométrie kählérienne, point de rencontre entre la géométrie complexe et la géométrie riemannienne.

Après un doctorat en cotutelle entre Toulouse et Rome et un post-doctorat à l'Imperial College, au MSRI, puis à l'IHES, Eleonora Di Nezza a été recrutée en 2018 maîtresse de conférences à l'Université Paris-Sorbonne. Depuis 2020, elle est Professeur Monge à l'École polytechnique, où elle effectue ses recherches au sein du Centre de mathématiques Laurent Schwartz1 .

Le cœur des travaux d'Eleonora Di Nezza porte sur les équations de Monge-Ampère complexes, qui régissent l'existence de métriques à courbure constante en géométrie kählérienne. Les métriques kählériennes sont en effet une classe particulière de métriques riemanniennes, qui dérivent localement d'un potentiel ; ceci ramène les systèmes d'équations aux dérivées partielles portant sur leur courbure à des équations scalaires portant sur le potentiel, et l'on sait depuis leur introduction par Erich Kähler dans les années 1930 que l'analogue des équations d'Einstein dans ce contexte correspond à une équation de Monge-Ampère complexe au niveau du potentiel.

L'étude des métriques correspondantes, dites de Kähler-Einstein, est un sujet en constante ébullition depuis une quarantaine d'années, suite à la résolution par Yau de la conjecture de Calabi2 .

La conjecture de Yau-Tian-Donaldson ayant été résolue en 2015 par Chen-Donaldson-Sun3 , un enjeu actuel est de l'étendre au cas des variétés singulières4 5 , en lien avec le programme de Mori (classification des variétés projectives algébriques à isomorphisme birationnel près).

Dans une collaboration de cinq articles avec T. Darvas et H.C. Lu6 , Eleonora DiNezza a obtenu une caractérisation des métriques de Kähler-Einstein à singularités prescrites arbitraires. Ce tour de force a nécessité une étude très fine de la géométrie et de la topologie de l'espace des modèles de telles singularités, une variété de Fréchet de dimension infinie. Il repose également sur des estimées a priori sophistiquées, obtenues en collaboration avec H.C.Lu7 , qui généralisent très largement la célèbre estimée L de Yau.

Plus récemment Eleonora DiNezza a étudié le comportement en famille de ces métriques8 , ainsi que leur régularité dans des contextes variés et difficiles. Elle s'intéresse à présent aux métriques singulières à courbure scalaire constante, dont l'équation définissante est cette fois-ci une «équation aux dérivées partielles non linéaire d'ordre 4.

eleonora di nezza
© Laurent Ardhuin pour le CNRS

 

  • 1UMR7640, CNRS & École polytechnique.
  • 2S.T. Yau, On the Ricci curvature of a compact Kähler manifold and the complex Monge-Ampère equation. I. Comm. Pure Appl. Math. 31 (1978), no. 3, 339-411.
  • 3X.X. Chen, S. Donaldson, S. Sun, Kähler-Einstein metrics on Fano manifolds, J. Amer. Math. Soc. 28 (2015), 183-278.
  • 4P. Eyssidieux, V. Guedj, A. Zeriahi, Singular Kähler-Einstein metrics, J. Amer. Math. Soc. 22 (2009), no. 3, 607-639.
  • 5R.J. Berman, S. Boucksom, M. Jonsson, A variational approach to the Yau-Tian-Donaldson conjecture, J. Amer. Math. Soc. 34 (2021), 605-652.
  • 6Voir notamment : T. Darvas, E. DiNezza, H.C. Lu, The metric geometry of singularity types, J. Reine Angew. Math. 771 (2021), 137-170.
  • 7E. DiNezza, H.C. Lu, Complex Monge-Ampère equations on quasi-projective varieties, J. Reine Angew. Math. 727 (2017), 145-167.
  • 8E. DiNezza, V. Guedj, H. Guenancia, Families of singular Kähler-Einstein metrics, Journal of the E.M.S., à paraître.