Création d’une chaire pour intensifier les collaborations scientifiques entre mathématiciennes et mathématiciens de France et d’Afrique

International

Lancée en septembre 2023,  « la Chaire CNRS-AIMS de mathématiques », obtenue dans le cadre de l’Appel à projets « Joint Research Programme » de la Direction Europe et International du CNRS, concrétise des années de collaboration entre la France et l’Afrique. Elle illustre la volonté de CNRS Mathématiques (Insmi) de pérenniser ces relations, une vision partagée avec les African Institute for Mathematical Science (AIMS). CNRS Mathématiques et les centres AIMS désirent ainsi développer un cadre commun pérenne à même d’accompagner et de soutenir les interactions entre chercheuses et chercheurs des deux institutions. Bénéficiant d’un financement du CNRS pour une durée de 4 ans, le projet est coordonné par Ludovic Rifford, professeur au Laboratoire Jean-Alexandre Dieudonné1 , Moustapha Fall du Centre AIMS-Sénégal et Stéphane Tchuiaga, associé au Centre AIMS-Cameroun.

  • 1CNRS/Université Côte d’Azur

Les prémices des relations mathématiques entre la France et l’Afrique

Entre l’Afrique et la France, les collaborations en mathématiques ne datent pas d’hier. De nombreuses actions, à l’initiative personnelle de chercheurs ou bien émanant d’institutions,  existent, comme par exemple les écoles CIMPA. Depuis la fin des années 90, le Centre International de Mathématiques Pures et Appliquées (CIMPA) organise des écoles avec ses partenaires, et notamment sur le continent africain. Celles-ci ont pour objectif de proposer une introduction à un sujet de recherche actif en mathématiques et s’adressent en priorité aux étudiantes et étudiants et enseignantes-chercheuses et enseignants-chercheurs des pays où elles sont organisées.

Du côté du CNRS, les premiers jalons de cette collaboration ont principalement été posés via deux entités : les actions du Centre International de Rencontres Mathématiques (CIRM)2 et le réseau international de recherche (IRN) AFRIMath. Le premier organise des séjours avec les centres AIMS pour augmenter l’activité de recherche entre les institutions partenaires, tandis que le second, créé en 2021, travaille au soutien d’un réseau franco-africain de collaborations en recherche et en formation avec les pays d’Afrique sub-saharienne. Des séjours de courte durée, des conférences et d’autres séminaires sont ainsi organisés entre la France et le continent africain depuis plusieurs années via ces canaux. Le CNRS a par ailleurs lancé, en 2021, son premier appel à projets « Dispositif de Soutien aux Collaborations avec l'Afrique Subsaharienne » (DSCA) pour lequel 8 projets en mathématiques ont été sélectionnés. CNRS Mathématiques désire aujourd’hui porter ces actions encore plus loin.

C’est par le biais des actions du CIMPA que Ludovic Rifford, porteur français du projet, s’est peu à peu impliqué dans les collaborations internationales. D’abord représentant de son université au conseil d’administration puis directeur de l’institution de 2016 à 2020, il prend ainsi goût à ces actions et effectue deux séjours de longue durée à l’étranger, à Berkeley et à Santiago du Chili. A l’issue de son mandat, il garde un pied dans cet univers en occupant le poste de Secretary for Policy de la Commission for Developing Countries de l’Union mathématique internationale. Lorsque le CNRS lance son appel à projets pour développer des activités sur le terrain en Afrique, candidater lui apparaît comme une évidence.

  • 2CNRS/Université d’Aix-Marseille/Société Mathématique de France
Quand j’ai pris la direction du CIMPA, j’ai essayé de développer des activités qui permettaient de garder un lien, d’envoyer régulièrement des gens pour faire des cours afin qu’il y ait des activités plus régulières. L’idée de la chaire, c’est d’aller sur le terrain et d’y rester afin d’établir des relations très fortes avec les gens. De prendre le temps de comprendre, de réfléchir aux choses à développer et surtout à ce qui serait le plus adapté à la situation locale. C’est vraiment ça qui m’intéresse.
Ludovic Rifford

Biographie de Ludovic Rifford

Ludovic Rifford a obtenu son doctorat, préparé sous la direction de Francis Clarke, à l'Université Lyon 1 en 2000, puis est devenu professeur à l'Université Côté d’Azur en 2006. Au cours de sa carrière, il s'est intéressé à divers problèmes à l'interface entre l'analyse, la dynamique et la géométrie. Il a largement contribué, entre autres, à des avancées majeures dans deux conjectures importantes de la géométrie sous-riemannienne (la conjecture dite de Sard) et de la dynamique hamiltonienne (la conjecture de Mañé).

Depuis qu'il a pris ses fonctions de professeur à Nice, où se trouve le siège du CIMPA, Ludovic Rifford s'est engagé dans des activités de coopération internationale dans des pays en développement. Il a d’ailleurs occupé le poste de directeur exécutif du CIMPA de 2016 à 2020. Il est aujourd’hui Secretary for Policy de la Commission for Developing Countries de l’Union mathématique internationale et vient d’obtenir le financement d’une chaire CNRS-AIMS en Afrique.

Une volonté d’ancrer les relations entre la France et l’Afrique dans la durée

Photo des deux porteurs de projet, Stéphane Tchuiaga (gauche) et Ludovic Rifford (droite)
Stéphane Tchuiaga (gauche) et Ludovic Rifford (droite), porteurs du projet Chaire CNRS-AIMS

Ce projet de chaire s’inscrit dans une volonté de CNRS Mathématiques (Insmi) de pérenniser les actions et relations avec l’Afrique. En échangeant avec Jean-Stéphane Dhersin, directeur adjoint scientifique en charge de l’international, l’idée de s’appuyer sur les structures déjà existantes en Afrique émerge.

La recherche mathématique en Afrique s’exprime notamment à travers les African Institutes of Mathematical Centers (centres AIMS), dont le premier a été fondé à Cape Town en 2003. Au nombre de cinq, ces instituts de mathématiques répartis à travers toute l’Afrique permettent aux étudiants sélectionnés d’être formés au niveau Master. Très compétitifs, les centres AIMS représentent un réseau assez prestigieux qui attire un nombre élevé d’étudiants. Ces centres ont également développé des activités de recherche avec des postes permanents et collaborent déjà avec la France via, entre autres, des séjours organisés avec le Cirm. C’est ainsi que le choix s’est porté sur le centre AIMS du Sénégal, dirigé par Moustapha Fall, par ailleurs impliqué dans le conseil scientifique du Cirm.  Le CNRS et ce centre AIMS ont signé un mémorandum d’entente en 2023, pour institutionnaliser une coopération structurée entre les deux pays.

En relations étroites avec Erwan Brugallé, du Laboratoire de Mathématiques Jean Leray3 et directeur du réseau Afrimath, et Pascal Hubert, directeur du Cirm, les porteurs du projet espèrent ainsi travailler collectivement afin de faire rayonner les échanges entre mathématiciens français et africains et ce, sur le long terme.

  • 3CNRS/Nantes Université
Mon idée c’est de pérenniser toutes ces activités existantes de manière institutionnelle. Il y a un énorme travail qui a été fait par plein de gens différents dans plein de directions : le but serait de cimenter un peu tout ça et d’aboutir, peut-être, à la création d’un laboratoire CNRS qui servirait de point de repère pour plein de gens. C’est pour cette raison que je tiens particulièrement à travailler de manière collective avec le Cirm et Afrimath, pour qu’on ne travaille pas chacun dans notre couloir séparément mais que l’on mette vraiment nos moyens en commun afin d’organiser des choses les plus efficaces possibles dans la durée.
Ludovic Rifford