Patricia Reynaud-Bouret : Je m’appelle Patricia Reynaud-Bouret. Je suis Directrice de Recherche CNRS au laboratoire JA Dieudonné de l'Université Côte d’Azur.
Ingrid Bethus : Je m’appelle Ingrid Bethus Je suis Professeure des Universités à l'Université Côte d’Azur et mène mes recherches à l’Institut de Pharmacologie Moléculaire et Cellulaire à Sophia Antipolis.
Patricia Reynaud-Bouret : Je suis spécialiste en statistiques, probabilités et modélisation pour les données issues des neurosciences et de la cognition.
Ingrid Bethus : Je m’intéresse à la dynamique et la plasticité des réseaux neuronaux au cours de l’apprentissage.
Patricia Reynaud-Bouret : Je suis fascinée depuis de nombreuses années par l’apprentissage humain et animal, en particulier depuis ma rencontre avec ma collègue Ingrid Bethus (PR à l’Institut de Pharmacologie Moléculaire et Cellulaire) qui co-encadre ce sujet et qui est spécialiste en neuroscience cognitive. Le phénomène d’apprentissage est fascinant, c’est à la fois une capacité humaine et animale mais aussi quelque chose que les statisticiennes et statisticiens implémentent par des algorithmes depuis des années. Cela a pris plusieurs noms : Machine Learning, Intelligence Artificielle, etc. Dans tous les cas, le but de ces recherches de mathématiques est de reproduire une capacité inhérente aux humains et aux animaux. Ce qui m’intéresse le plus est de faire le chemin inverse et d’utiliser mes compétences mathématiques pour mieux comprendre comment un être vivant apprend.
Ingrid Bethus : Il y a eu une rencontre décisive dans ma vie qui guide mes recherches depuis plusieurs années : celle avec ma collègue mathématicienne Patricia Reynaud-Bouret. Alors qu’en neuroscience les prouesses techniques permettent de collecter de plus en plus de signal au sein de notre cerveau (EEG, activité unitaire du neurone, activité de population de neurones dit LFP) l’analyse n’en devient que plus complexe. Aujourd’hui les mathématiques nous permettent d’élaborer des modèles et prédire l’activité globale du système. Grâce à cette rencontre et notre collaboration nous avons développé des modèles hétérogènes qui permettent de mieux voir les interactions dans l’activité du cerveau. Les outils mathématiques ont ouvert une autre dimension aux neurosciences expérimentales et computationnelles. Ils sont l’avenir dans la compréhension de la complexité de notre cerveau.
L’autre rencontre décisive pour ce contrat fut avec l’entreprise Finalspark qui permet d’interagir avec les organoides depuis son bureau avec une simple interface Python. Ne serait-ce que cette prouesse est complètement innovante. Mais pour aller au-delà et comprendre voire utiliser les modifications des organoides au cours de leur vie, il faut pouvoir changer d’échelle et passer de l’échelle de la synapse à celle du réseau vivant. Avec ce sujet de thèse, on touche à la racine de l’apprentissage au niveau cellulaire et heureusement on peut compter sur la collaboration de deux experts du domaine : Romain Veltz qui a trouvé le modèle le plus compréhensif à ce jour de la synapse et Paula Pousinha qui est spécialiste des enregistrements PatchClamp et des organoides. On espère que les mathématiques réussiront à passer ces connaissances à l’échelle de l’organoide.
Si on comprend comment « programmer » des organoides, on pourrait alors remplacer certains calculs in silico très couteux en énergie par des calculs biologiques. De nombreux laboratoires et entreprises (dont Finalspark) font ce pari.
Surtout explorer toutes les possibilités de financement !
En ces temps de morosité générale et de quête de sens, il nous semble que la science reste une bouffée d’oxygène, d’espoir et de curiosité qu’il faut savoir cultiver. En cela, apprenons toujours, cherchons toujours !